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"Le Général Kagame est un génocidaire"-Ruzibiza


"Je le dirai et le répéterai : le Général Kagame est un génocidaire. Je fais appel aux Rwandais consciencieux qui entendent négocier avec le Général Kagame de tâcher plutôt à le mettre devant la justice afin qu’il réponde, en compagnie des Interahamwe et autres extrémistes hutu qui ont roulé pour lui, de la tragédie qu’il a causée au Pays. Y aurait-il un plan d’amnistier cet homme en dépit de ses méfaits dont le Rwanda aura difficile à se remettre? Pourquoi faut-il supplier les criminels comme si nous avions envie de marcher sous leurs auspices? Moi je reste convaincu que fin des fins ces criminels seront acculés à la confession et qu’il reviendra aux Rwandais de bonne conscience de faire justice.» (Feu Abdul J. Ruzibiza)


L’auteur de « Rwanda, Histoire secrète » charge de nouveau. L’ancien officier de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) et des Rwandese Defense Forces (RDF) n’en démord pas. Abdul Joshua Ruzibiza (photo ci-haut) souligne encore le rôle malsain du Général Paul Kagame dans la tragédie qui s’est abattue sur le Rwanda en 1994 et risque d’ailleurs de se répéter si la bêtise ne fait pas place à la raison. Les démarches extrêmement équivoques de l’opposition rwandaise sont également fustigées et, le "Justicier Abdul" n’y va pas par quatre chemins: « nos politiciens sont mal partis. » C’est dans une interview exclusive avec Ismaïl Mbonigaba dans Carréfour Rwanda daté d'août 2006.

Q. Monsieur Ruzibiza, comment réagissez-vous aux critiques selon lesquelles vous êtes à la solde des opposants rwandais et que votre rôle se résume uniquement à inculper le Président Paul Kagame?

R. Ce n’est que de mon propre chef, interpellé par ma conscience et persuadé du bien que cela doit procurer pour tous mes concitoyens, que je me suis décidé de révéler au monde ce dont j’ai été témoin. Je ne peux aucunement me sentir frustré face à ce devoir d’accuser les criminels, fussent-ils mes anciens compagnons d’armes, voire celui qui est aujourd’hui le Président de la République. Je me bats pour la justice pour tous, et il me semble que c’est cela qui paraît difficile à comprendre pour certains.

Pourquoi n’accuserais-je pas Paul Kagame en sa qualité de l’un des chef-architectes de la tragédie qui a mis le pays à sang et à feu, et qui de surcroît a opposé un veto à toutes les tentatives de secourir nos proches qui étaient livrés aux extrémistes Hutu? J’accuse Paul Kagame comme l’unique dirigeant dans ce monde qui a troqué la vie des membres de toute une ethnie (la sienne, d’ailleurs) contre les avantages du pouvoir. Je ne parviens pas à comprendre ce qui réellement tourne dans le cerveau du Général Kagame, il faudrait peut-être faire appel aux spécialistes pour l’examiner! Q. Certains Tutsi pensent que vous défendez les génocidaires

R. Il faut savoir différencier les choses. Quand j’accuse le Général Paul Kagame, ce n’est pas pour défendre les génocidaires, ces sauvages qui ont exterminé les Tutsi et massacré un bon nombre de Hutu qui ne partageaient pas leur idéologie. Loin de là. Mes témoignages sont assez claires là-dessus, les génocidaires ne sont pas moins incriminés que Paul Kagame. Ils ont commis l’horreur absolue, de façon ostentatoire, devant les caméras de grandes chaînes de TV de cette planète. Personne ne peut l’ignorer. Qui n’auraient pas vu ces scènes macabres où nos parents et frères se faisaient découper en morceaux à la machette ? De son côté, Paul Kagame a commis le crime de déclencher, après en avoir soigneusement calculé les avantages, les massacres dont il savait que les Tutsi devaient être victimes. Le plan du Général Kagame est bel est bien l’élément catalyseur du génocide. En ordonnant l’assassinat du Président Juvénal Habyarimana, Paul Kagame a offert aux génocidaires le prétexte d’or pour se livrer à leur sale besogne. Il y a donc corrélation entre les crimes de part et d’autre et, en mon entendement, tous les coupables doivent répondre de leurs actes. Si même ils ne pourront pas tous être jugés, faute de temps ou de volonté politique, mais ils seront au moins et sans doute, responsables devant l’histoire. Q. Vos détracteurs parlent d’une exagération quand vous qualifiez Paul Kagame de génocidaire

R. Je le dirai et le répéterai. Partout où j’ai livré mon témoignage, que ce soit dans les médias, devant les juges au tribunal, lors des conférences etc. j’ai toujours dit que le Général Kagame est un criminel de guerre, j’ai dit qu’il est génocidaire. Eh, bien, j’ai attendu qu’il porte plainte contre moi pour injure ou diffamation, mais il n’ose pas. Un chef d’état en exercice, que j’accuse de crimes de génocide et des crimes de guerre et ne regimbe pas! C’est incroyable. Paul Kagame est bien conscient de ce qu’il a fait, de ce qu’il est. D’ailleurs il n’est pas seul. N’avez-vous pas vu des centaines de noms de ces criminels notoires catalogués dans mon bouquin? Plusieurs d’entre eux sont au pouvoir avec lui. Vérifiez bien mes propos, ils ne sont pas spéculatifs. Je relate les faits et actes commis pendant la guerre que l’APR faisait aux FAR, autrement dit la guerre entre le FPR et le MRND. A la tête des deux armées se trouvaient Juvénal Habyarimana d’une part et Paul Kagame de l’autre. Alors qu’on attendait toujours la mise en application des accords de paix signés par les belligérants, Kagame a ordonné l’assassinat de Habyarimana et la catastrophe s’en est suivie. Ceux-là qui disent que j’exagère n’ont aucune base de me mettre au défi puisque je parle de la guerre et des acteurs de cette guerre. Il n’y a pas moyen de soustraire le général Kagame aux graves responsabilités qu’il porte dans le drame rwandais. Q. Et ceux qui disent que Kagame, malgré les crimes qu’on lui reproche, a quand même développé le Rwanda, cela constitue pour vous des circonstances atténuantes?

R. Écoute, je reconnais que Kagame n’a pas fait que du mal. Ceux qui voient en moi une machine d’accusation devraient se tranquilliser, je n’ai ni rancune ni jalousie contre Kagame. Il a lui-même dit qu’il ne me connaît pas-sauf qu’il ment. En fait il y a de bonnes réalisations que je reconnais à son Gouvernement et je ne le blâme pas pour ça. Il faut seulement se poser la question quant à pérennité de ces réalisations en l’absence d’une chose la plus essentielle: La Justice et la Paix durable pour les citoyens. Pour sûr il n’y a aucune garantie que les infrastructures qu’on érige aujourd’hui échapperont aux conflits latents, générés par l’injustice sociale. Je suis d’avis que les possibles bons agissements de Kagame sont submergés par une foule de méfaits dont il est auteur exclusif. C’est lui qui doit porter les responsabilités en tant qu’autorité suprême. Pour conclure sur cette question-là d’influences supposées, je dois répéter que je ne suis à la solde de personne puisqu’au présent stade je me bats seulement pour les droits de nous tous les Rwandais par voie de justice. Q. Quelle idée vous faites-vous des partis politiques rwandais qui ne cessent pas de naître? Avez-vous, en ce qui vous concerne, un plan de vous engager politiquement dans la solution des problèmes rwandais?

R. Je n’ai pas d’idée particulière de ces partis, tant anciens que nouveaux, à part mon impression qu’ils ont brûlé les étapes dans leur démarche. Ils en sont à la troisième étape, ce qui suggère qu’ils sont mal partis en sautant les étapes primordiales. A mon avis la première étapes consiste à établir impérativement un consensus sur la vérité concernant le passé tragique de notre pays, la deuxième étant l’effort d’aboutir à la justice équitable pour tous, la troisième concerne la bonne gouvernance et la démocratie, tandis que la quatrième étape vient couronner la démarche avec la réconciliation. Cet ordre des choses est pour moi irréversible et prête à simplifier le processus. Cependant mon constat est que chaque parti qui naît fait de sa priorité la dénonciation de la dictature au Rwanda et le pari d’écarter le FPR, sans pour autant émettre les propositions tangibles sur la recherche de la vérité et la justice pour tous. De son côté le Gouvernement du FPR, dit d’union nationale, a purement inversé l’ordre dont j’ai fait mentions ci-haut en créant d’emblée une commission de réconciliation (ndlr: quatrième étape). Jusque là on ne connaît pas qui a été réconcilié avec qui. Le FPR est ensuite passé au stade de la bonne gouvernance (ndlr: troisième étape) sans succès, avant d’atterrir dans une justice qui ne tient pas debout puisque elle n’est pas équitable, les tribunaux Gacaca ayant été institués pour juger une seule ethnie (ndlr: deuxième étape). En effet il y a une chose absente et qui reste tabou, et pourtant pièce vitale de tout le processus, c’est la vérité sur la cause de la tragédie rwandaise(ndlr: première étape). Revenant sur la question de savoir si j’ai un plan politique de trouver la solution des problèmes rwandais, je crois que ce que je fais maintenant vise cet objectif, mais je ne sais pas si cela peut être qualifié d’acte politique. On est généralement porté à penser que la politique ne se fait qu’au sein des partis, eh bien, moi je ne suis membre d’aucun parti politique.

Ma démarche relève d’abord d’un principe selon lequel je dois émettre mes convictions sur les causes ainsi que les tenants et les aboutissants de la tragédie qui s’est abattue sur le Rwanda. (ndlr:réf. à l’étape1). Par exemple je peux te dire sans risque de me tromper, contrairement à ce que certains essayent de faire croire, que le FPR n’est pas en soi à l’origine des guerres, bien qu’il en soit acteur. La vérité, c’est que le fonds du problème remonte à plusieurs décennies avant l’existence même du FPR. Le FPR est intervenu dans le cadre de la revendication des droits longtemps déniés à certains citoyens rwandais, malheureusement lui aussi s’est vite transformé en adepte de la même logique d’exclusion. Deuxièmement, je suis partisan de la justice équitable partout où cela m’est possible. Rien ne peut m’empêcher de livrer un témoignage à décharge, même en faveur d’une personne que je sais condamnée à mort d’avance, pour un chef d’accusation dont il/elle est injustement incriminé(e). Je donne l’exemple des quatre militaires ex-FAR qui ont sollicité mon témoignage au TPIR. Ils sont accusés entre autres d’avoir descendu l’avion du Président Juvénal Habyarimana, comment aurais-je pu refuser d’aller dire qui a commis ce forfait alors que j’ai été témoin de cet acte? Qu’ils soient blanchis de ce crime, quelque soit le verdict qui sera rendu pour les autres chefs d’accusation. Voilà donc, j’en reste à ces deux stades. Ils constituent une base essentielle en dehors de laquelle toute solution au problème rwandais est utopique, et j’y reste attaché même si cela devait durer encore vingt ans. Q. Il n’y a donc pas de convergence possible avec la stratégie adoptées par ces partis politiques?

R. Il y a des préalables. Je conçois mal l’idée de m’embarquer dans une affaire de bonne gouvernance et de démocratie au Rwanda, aussi longtemps que la vérité et la justice n’ont pas droit de cité dans ce pays. Comment peut-on réellement aspirer à l’unité et à la réconciliation en passant à côté de leurs préalables qui sont la vérité et la justice? J’entends même ceux qui revendiquent un «dialogue inter-rwandais» et le réclament au Gouvernement du FPR. Ça ne vaut vraiment pas la peine, c’est comme disputer l’os à un chien affamé! Je fais appel aux Rwandais consciencieux qui entendent négocier avec le Général Kagame de tâcher plutôt à le mettre devant la justice afin qu’il réponde, en compagnie des Interahamwe et autres extrémistes hutu qui ont roulé pour lui, de la tragédie qu’il a causée au Pays. Y aurait-il un plan d’amnistier cet homme en dépit de ses méfaits dont le Rwanda aura difficile à se remettre? Pourquoi faut-il supplier les criminels comme si nous avions envie de marcher sous leurs auspices? Moi je reste convaincu que fin des fins ces criminels seront acculés à la confession et qu’il reviendra aux Rwandais de bonne conscience de faire justice. Je ne suis pas du tout intéressé par un dialogue quelconque entre l’opposition et le Gouvernement du FPR, et je ne suis pas prêt à y prendre part, car je connais suffisamment l’homme devant qui on cherche à s’incliner. Ceux qui ne le connaissent pas n’ont qu’à essayer.


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