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Dangereux raccourcis égocentriques au Rwanda


Le régime prend des décisions irréfléchies sans penser aux conséquences, l’opposition recourt à des solutions sans passer par le diagnostic


Le Rwanda est l’échantillon d’un État où la notion d’homme et de femme d’État s’avère confondue avec celle d’homme et de femme d’affaires. Quand Paul Kagame décide de violer la Constitution et de se maintenir au pouvoir après ses mandats légaux, c’est signe que le président de la République agit uniquement en ses intérêts égoïstes, il ignore le sens même de la nation. Le règne de l’homme fort de Kigali vient de durer 23 ans, mais force est de constater qu’il ne s’est jamais penché sur les mêmes raisons qui l’ont poussé à prendre les armes en 1990.

Le général Kagame est bien conscient de crimes commis par son armée durant la campagne militaire qui a abouti à la victoire du FPR et la chute du régime hutu en 1994, voire au-delà. Crimes perpétrés autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières du Rwanda. Jusqu’aujourd’hui. Tablant uniquement sur son sentiment d’invincibilité garantie par le soutien et armement offerts par les États-Unis, l’assassin de Juvénal Habyarimana a passé tout ce temps à renforcer sa propre image et sa propre économie [en effet Paul Kagame est présentement milliardaire en dollars, cash et avoirs confondus] aux dépens de l’image et l’enrichissement de la nation. Il n’a jamais songé à un scénario de sortie honorable, c’est-à-dire une retraite bien méritée dans son ranch de Muhazi ou dans son flamboyant City Tower. Le choix du général Kagame est apparemment « mourir dans le palais Urugwiro ». Mais comme nous le verrons plus loin dans cet article, la question est loin de se limiter sur la personne du président Kagame. C’est tout le système FPR qui se trouve complètement gangrené au point de manquer un seul sage capable d’inspirer des décisions saines pour la nation.


La charrue avant les bœufs...


Côté opposition, la mise en place d’un gouvernement vient en tête des rêves. En effet, chaque fondateur de parti se forge une belle idée de devenir président de la République, avant même d’avoir un comité complet de la soi-disant formation politique. Le raccourci le plus rapide emprunté par nos hommes [femmes] d’affaires est le prétexte ethnique, comme quoi les Tutsi ont subi des préjudices sous le régime hutu, ou que les Hutu subissent ou ont subi les préjudices sous les régimes tutsi. La libération en soi n’est pas une mauvaise idée, le seul problème réside dans les détails relatifs à la finalité et à la stratégie.

Concernant ce raccourci ethnique, le pseudonymé Ingoboka Rwitete estime que focaliser sur les ethnies dans un exercice politique convient aux semi-lettrés et paresseux politiciens rwandais qui, incapables de raisonner en termes de projets politiques, sociaux et économiques à présenter au Rwanda, pensent qu'il faut agiter les bas instincts des hommes pour accéder aux pouvoirs. Si pour nos politiciens la finalité est l’accès au pouvoir, il y a pour le Rwanda une extrême urgence de produire des Hommes et des Femmes d’État.


Mais, sommes-nous prêts?


Quand je posais cette question récemment, la réponse ne s'était pas fait attendre : "Pas encore prêts mon homme." Comme je ne suis pas de ceux qui se contentent de réponses aussi spontanées, je vais toujours demander "Pourquoi"? Mon ami François Munyabagisha ne tardera pas, je m'y attendais, à me démontrer comment les Rwandais ont toujours tendance à prendre leurs rêves pour des réalités, et surtout comment le caractère expéditif de leurs analyses ne peut qu'orienter à des raccourcis palliatifs (à effet hypnotisant), perpétuant ainsi la problématique au lieu de la résoudre. Ni le système Kagame ni l’opposition ne sont présentement en position de trouver solution à la complexe problématique rwandaise.

Monsieur Munyabagisha est d'avis que le président Kagame dans sa propre logique a raison de s'accrocher au pouvoir, car c'est le principe d'un seigneur de la jungle qui ne se réfère qu'à la loi de sa jungle. Par ailleurs le philosophe, auteur de "Rwanda : Pourquoi Nos Fossoyeurs Sont-ils Vos Héros ? La face cachée des tragédies", déplore l'absence d'un un débat rationnel ou intellectuel susceptible d'entrouvrir une perspective de solution durable à la problématique d'alternance. "C'est dommage que nous n'ayons du temps que pour des polémiques par lesquelles les gens étalent leurs faibles profondeurs, signe de la paresse intellectuelle", fait-il observer. Selon François Munyabagisha, le problème n'est pas Kagame, mais plutôt des "intellectuels" incapables de cerner la problématique en face."

Le philosophe Munyabagisha se désole du fait qu'il n'existe pas ce choc des idées génératrices de lumière au sein de la société rwandaise, mais plutôt des polémiques qui propagent l'obscurité. Par conséquent, il estime que les critiques du président Kagame ne sont pas encore prêts à prendre la relève. Le débat reste ouvert.


Manque de confiance


Au lieu de rechercher des raccourcis, la plupart du temps grotesques, de reconquête du pouvoir, les génies du salut du peuple devraient se concentrer sur l'édification d'un laboratoire d'idées [think tank] sensé élaborer les principes et les outils adaptés pour la transformation sociale. Or il s’avère qu’il y a une sérieuse crise de confiance au sein de ce beau monde qui se qualifie d’opposition. Le manque de confiance en soi, la confiance du public ainsi que la confiance aux autres. Et ce manque de confiance traduit la pénurie d’intellectuels au sein de la sociéte. N’en déplaise à ceux qui m’accusent de pédantisme.

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