À propos de la Conscience nationale moderne
Depuis l’acquisition par le Rwanda du statut de république indépendante en 1962, la notion de nationalisme échappe lamentablement à la classe dirigeante. Pire encore, le sommet de l’État se trouve tellement gangréné au point de dévoiler plutôt l’image de la mafia ou sanctuaire du crime organisé. République dépourvue de valeurs républicaines, le Rwanda fait sans cesse couler le sang de ses fils et ses filles depuis la chute de la monarchie, chaque nouveau régime davantage, au moment où les masses sont régulièrement forcées à s’exiler.
Le peuple traumatisé, toujours victime d’aveugles brutalités à la faveur desquelles les tyrans accèdent et se maintiennent au pouvoir, a simplement renoncé aux plus fondamentaux de ses droits y compris le droit à l’opinion. Érigée en un puissant système de gouvernance, l’exclusion [sous toutes ses formes] a toujours été et restera sans doute le tendon d’Achille de cette petite nation surpeuplée qui plus est a connu l’un des pires génocides de l’histoire humaine : le génocide contre les Tutsi, accompagné d’autres crimes exécrables perpétrés contre les autres composantes, nommément les Hutu et les Twa. C’est ça la triste réalité du Rwanda.
Face à la complexité de la situation rwandaise sur le plan sociopolitique, le constat le plus navrant est cette incapacité des intellectuels de générer des idées susceptibles de sortir le pays de l’impasse qui a trop duré. Et surtout l’avilissement de ces intellectuels qui, par peur d’être affamés ou aguichés par des offres machiavéliques, donnent volontiers dans un honteux clientélisme au service de la tyrannie. C’est de la pure trahison, en d’autres termes, une faillite intellectuelle sur laquelle toute la décadence de l’État devrait être légitimement blâmée. Car en l’absence du débat intellectuel, le triomphe de l’arbitraire est sans aucun doute inévitable.
Un défi de taille guette les bâtisseurs d’une nation rwandaise moderne et durable : il faut prioritairement moderniser la pensée rwandaise et en promouvoir les paradigmes. Ensuite, créer un leadership efficace à travers des mouvements sociaux et organismes paraétatiques. C’est l’œuvre d’honnêtes citoyens, eux seuls, et non des individus corrompus ou avides de pouvoir et d’argent. Chose certainement rassurante, à l’avant-garde de cette transformation sociale grandiose se trouvent les journalistes dignes, les écrivains et les artistes épris de l’illuminatio et salus populi.