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Artificieuses confessions des évêques catholiques rwandais


Pour la énième fois les évêques catholiques du Rwanda ont encore vaguement demandé pardon pour « le rôle des chrétiens » dans le génocide rwandais. Dans un extrait de la lettre pastorale publiée à l’occasion de la clôture du Jubilée de la Miséricorde on lit notamment ceci (traduction libre ) :


« Paragraphe 6- Le jubilée inclut en outre la demande de pardon pour tout mal que nous avons fait. Nous demandons pardon aussi pour tous les chrétiens à cause des péchés de tout genre que nous avons commis. Nous sommes extrêmement contrits par le fait qu’une partie des enfants de l’église aient transgressé le pacte scellé avec Dieu lors de leur baptême en passant outre ses commandements. Nous demandons pardon pour tout mal que nous avons fait envers Dieu et envers ses enfants; tous les péchés d’égoïsme, de perversion, abandon des malades, des faibles et des affamés. Nous demandons pardon à Dieu pour tous les péchés résultant de la haine et des conflits survenus dans notre pays allant jusqu’à en vouloir à nos prochains à cause de leur origine. Nous demandons pardon pour avoir souvent manqué à notre devoir de fraternité, pour les meurtres, les pillages et la déshumanisation de nos semblables. Nous demandons pardon pour toutes les guerres qui ont eu lieu dans ce pays. Nous demandons pardon pour les péchés des prêtres et des religieux. Nous demandons pardon pour le manque d’amour dans les couples, pour des séparations et divorces, manque d’amour envers les enfants, ainsi que pour la jeunesse qui a fait mauvaise usage de sa force; tous les individus qui ont été la pierre d’achoppement pour les autres quant à l’inimitié et à la malveillance. Nous demandons pardon en raison des discordes suscitées par les autorités de confession chrétienne à tous les échelons qui ont semé la haine tout comme ceux qui ont maltraité le citoyen qu’ils étaient censés défendre.


Paragraphe 7- Même si l’église n’a jamais incité qui que ce soit à faire le mal, nous, évêques catholiques, demandons particulièrement pardon pour le rôle de certains de ses enfants, prêtres, religieux et chrétiens dans le génocide perpétré contre les Tutsi. En effet ils ont commis un péché grave du vice humain. Nous implorons Dieu pour qu’il change leurs cœurs en vue de pénitence, réconciliation et bienveillance envers les victimes, pour que les pécheurs acceptent la miséricorde divine et croient en l’indulgence rwandaise. Puisse la pénitence les encourager à dire la vérité, pour que leurs cœurs soient délivrés du péché grave commis envers Dieu et envers la Nation. Qu’ils sachent que Dieu accueille dans ses bras tous les pécheurs repentis et qu’ils se joignent aux compatriotes dans l’édification d’une Nation jalonnée par la bonté de Dieu, l’amour et la cohésion.


Paragraphe 8- Nous demandons à Dieu d’aider tous les Rwandais enfermés dans l’idéologie du génocide à se libérer. Par cette demande de pardon nous, évêques du Rwanda au nom de tous les chrétiens catholiques, nous distançons explicitement du crime de génocide des Tutsi de 1994, ainsi que de tous les comportements et idéologies extrémistes qui continuent de raviver les plaies du génocide des Tutsi. »


Ces confessions montrent clairement que l’église catholique rwandaise ne parvient pas toujours à regarder droit dans les yeux de notre histoire tragique. L’institution est visiblement traumatisée par le régime du Front patriotique rwandais [FPR] dont le rôle dans le génocide reste tabou, entendu que le parti du général Paul Kagame est sorti victorieux du conflit sanglant de quatre ans [1990-1994]. Résilience exigeant, l’église catholique du Rwanda tient un discours qui frise la confusion, se laissant glisser dans le politiquement correct pour ne pas nommer les criminels qui ont causé la détresse dans le pays. L’église catholique a beau confesser pour toutes les guerres qui ont endeuillé le Rwanda, elle ne saura pas néanmoins se substituer aux criminels qui ont massacré les Tutsi, les Hutu, les Twa, les évêques, les intellectuels, les soldats belges, les réfugiés etc. L’église catholique ignore sciemment que les guerres et le génocide ont tous un déclencheur et que des responsabilités individuelles doivent être établies en vue d’une justice équitable et éventuellement le pardon et la réconciliation.

Grâce à son réseau paroissial gardé intact, l’église catholique constitue le seul repère fiable quant aux statistiques relatives aux tueries dont ont été victimes les chrétiens... et leurs voisins. Les entités administratives publiques elles, anciennement cellule, secteur, commune et préfecture, ont été chambardées, Dieu sait pour quelle raison. Il n’y a aucun doute que le FPR, lors de sa campagne de conquête du pouvoir, a dépeuplé certaines localités qu’il a pris le soin de repeupler avec de nouveaux habitants.

Loin de prendre ouvertement fait et cause pour toutes les victimes de la tragédie rwandaise, l’église catholique semble paradoxalement avoir opté de se faire l’écho de la propagande du FPR voulant que seul le génocide tutsi soit évoqué. De peur d’être taxé de négationnistes, les évêques catholiques se garderont d’évoquer même le massacre de Gakurazo qui a décapité l’église du Rwanda quand trois évêques étaient froidement assassinés en 1994 par un commando du FPR. Les trois assassinés sont Thaddée Nsengiyumva, Joseph Ruzindana et Vincent Nsengiyumva respectivement évêques de Kabgayi, Byumba et Kigali, ainsi que leurs compagnons de prière. (Voir la photo ci-haut). L’inhumation de ces évêques dans leurs cathédrales reste, 22 ans plus tard, un sujet tabou aux yeux de leur fossoyeur devenu héros. [Cfr François Munyabagisha, Pourquoi Nos Fossoyeurs Sont-ils Vos Héros?] Jamais le FPR n’a exprimé publiquement des regrets pour les massacres qu’il a commis ici et là dans le pays. Maintenant que ce sont les évêques qui, dans une langue de bois, ont choisi de demander pardon pour tous les crimes commis dans le cadre de la guerre et du génocide au Rwanda, est-ce que l’église est prête à indemniser les victimes sans discrimination?

À voir comment les évêques catholiques gardent un silence de plomb face aux abus quotidiens du FPR, on a envie de tirer la conclusion que l’église reste ce qu'elle a toujours été au Rwanda : une prostituée des régimes politiques successifs. C’est une église littéralement déconnectée de la réalité vécue par les fidèles, sourde à leurs jérémiades, indifférente à leur misère.

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