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Les modèles inimitables du Rwanda


[1ère partie]

Une capitale splendide, des services rapides et impeccables, femmes mises en valeur, un peuple heureux, une économie fulgurante et une sécurité légendaire dans un pays qui, il y a seulement deux décennies, était complètement ruiné par la guerre et le génocide… voilà ce qui frappe les yeux des visiteurs étrangers qui de retour chez eux n’hésitent pas à faire l’éloge du miracle rwandais. Les chefs d’États même défilent à Kigali pour s’inspirer de leur homologue le général Paul Kagame et phantasment d’accomplir les mêmes prouesses que lui dans leurs pays. C’est ici que l’intelligence rwandaise échappe aux plus ingénieux chercheurs.


J’ai rigolé quand un ami béninois m’a dit que leur président veut calquer Cotonou sur le modèle de Kigali. Fraichement élu, Patrice Talon a effectué une visite officielle au Rwanda en aout 2016 et s’est dit impressionné par la propreté de Kigali qui lui a donné l’envie de faire briller mêmement la capitale du Bénin entre autres mirages soigneusement enfuis dans la boite de Pandore de l’Urugwiro. Ne voulant pas donner l’impression d’un contestataire patenté, j’ai simplement admis que Kigali est doté de toutes ces merveilles et posé une question : savez-vous à quel prix? Je vois maintenant mon ami qui commence à prêter une attention singulière à ma bouche.


La propreté de cet espace valant moins de 1% de la superficie de Kigali est le résultat de l’exclusion des pauvres dans la capitale Rwandaise. Plusieurs milliers de propriétaires fonciers ont été expropriés ou obligés de céder leur parcelle aux investisseurs immobiliers à des prix dérisoires qui ne leur permettent pas de survivre en ville. Les vendeurs ambulants, à majorité femmes célibataires, sont régulièrement exécutés en plein jour par les forces paramilitaires sous la simple accusation de salir la capitale. Ils sont indésirables dans la cité des nouveaux riches. Le prix de la propreté, c’est malheureusement l’exclusion voire l’épuration systématique qui vise les occupants d’antan [sous les régimes hutu] pour les remplacer par les acquéreurs inconditionnels du Front patriotique rwandais [FPR] arrivés comme des colons. Ainsi avons-nous vu la bourgeoisie d’antan disparaitre, les uns suite à la chute du régime hutu (accusés de tremper dans le génocide tels Félicien Kabuga ou Mathias Myasiro), les autres étant des rescapés du génocide coupables d’être riches sous des régimes hutu (tels Valens Kajeguhakwa, Bertin Makuza ou Assinapol Rwigara). La liste est très longue.


Ce sujet touche directement à l’organisation économique sous le FPR qui est perçue comme un modèle singapourien. En effet, après l’élimination des grands propriétaires d’antan, le FPR concentre toute l’économie entre les mains d’une petite minorité plutôt nébuleuse au sommet de laquelle se trouve le président Kagame qui actuellement se fait classer parmi les multimillionnaires en dollars, avec ses deux jets commerciaux ! Le cartel du nom de Crystal Ventures a accaparé tous les grands commerces, des banques, l’industrie alimentaire, l’industrie touristique, l’industrie pétrolière, les télécommunications, l’industrie minière et les grands contrats de construction. En même temps le général Kagame lui-même ou les membres de sa famille proche sont des actionnaires majoritaires du cartel. C’est donc un modèle d’économie à haut risque, voué à un effondrement brutal car pivotant sur une oligarchie, sur un seul homme.


Le modèle économique du général Kagame axé sur l’imposition d’un même produit agricole par région, une agriculture vivrière destinée à la transformation industrielle et commerciale, et surtout la confiscation de terres arables dans certaines régions soi-disant attribuées aux investisseurs qui en retour doivent offrir du travail aux paysans, s’est avéré catastrophique. Pour un pays surpeuplé [12 millions d’habitants sur 26 360 Km2] une grande partie de la population se retrouve sans terre, sans travail, donc sans production. Par conséquent, la population est affamée sur l’ensemble du territoire, des cas de décès ont dernièrement fait l’objet de fuite dans les médias [malgré l’interdiction formelle de publier des informations qui nuisent à l’image du pays], tandis que beaucoup de paysans se résolvent à l’exil.


La bonne image du pays, c’est ce qui tient vraiment le général Kagame à cœur. L’autocrate rwandais fait falsifier les rapports à rendre publics ou à envoyer chez les partenaires de développement, et n’hésite pas à corrompre les représentants des institutions internationales comme la Banque Mondiale. Sans vérification aucune ses organismes internationaux reproduisent les mêmes faux rapports et déclarent le Rwanda modèle de développement. Le tyran de Kigali se voit couvert de médailles, des doctorats honoris causa abondent, et les misérables Rwandais chantent à tue-tête leur fierté vis-à-vis de l’admirable leadership! C’est ça la culture rwandaise, l’hypocrisie jusque dans la moelle épinière. L’intelligence rwandaise ou Ubwenge, que seuls les Rwandais sont capables de percer.


Voilà l’image rwandaise que nous faisons miroiter à la face du monde, prêts à exporter nos expériences. Le président Talons ou tout autre leader envieux du général Kagame sont-ils aussi prêts à consentir autant de sacrifices en vue d’embellir leurs cités? Leurs peuples vont-ils aussi adopter la belle attitude rwandaise? L’avenir nous réserve des surprises.

Notre prochaine analyse du modèle rwandais se penchera sur les services impeccables.

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