À propos de la rhétorique entourant le génocide rwandais :
Le chanteur Corneille se trouve sous le feu de la critique acerbe de la part des courtisans du FPR suite à la publication de son autobiographie qui tranche avec l'hypocrisie, l’indifférence et la complaisance.
L’allusion aux crimes potentiellement perpétrés pendant le génocide rwandais par les actuels détenteurs du pouvoir à Kigali soulève toujours un tollé et une avalanche d’attaques dirigées contre les témoins et enquêteurs. Ce qui était commun jusqu’ici, c’est que les dénonciations faisant état des crimes du Front patriotique rwandais [FPR] émanaient principalement des victimes hutu qui passent pour détracteurs naturels de ce parti du général président Paul Kagame. L’ironie du sort est que les témoignages de ces Hutu, quelque douloureux soient-ils, ne semblent pas émouvoir le monde. Mais hélas, les Tutsi aussi commencent à briser publiquement le silence avec des révélations pour le moins authentiques qui mettent à nu les « libérateurs » de 1994.
"Les réactions face à mon livre sont symptomatiques d'un pays qui souffre encore énormément." [Corneille]
À peine sorti de presse, le livre « Là où le Soleil Disparait » s’est vu discréditer et son auteur, le chanteur Corneille Nyungura, ardemment attaqué par les critiques les plus inusités du monde intellectuel : les gens qui ne lisent pas! Corneille est un rescapé du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda. Son témoignage n’a pas d’égal quant à la qualité d’écriture qui en rend la lecture absorbante. Les réactions acerbes ont fusé de partout quand ce titre a paru dans les médias : « le chanteur Corneille accuse le FPR de Kagame d’avoir tué sa famille. » Crime de lèse-majesté aux yeux des groupies zélées du FPR, tout récit qui contredit la version des ex-rebelles est automatiquement désigné comme étant révisionniste et anti-réconciliation.
Corneille raconte différents épisodes de sa vie, sa naissance, sa jeunesse et sa chanson. C’est son histoire, son vécu. Les mémoires du chanteur consistent évidemment en moments de bonheur aussi bien que des cauchemars. Et c’est le plus terrible de ces cauchemars qui s’avère pomme de discorde avec le FPR : Corneille décrit avec force détails comment ses parents, ses deux frères et sa sœur ont tous été massacrés par les soldats rebelles dans la nuit du 15 avril 1994. Un indice qui ne trompe pas : « Le petit garçon tutsi que papa avait sauvé des décombres a disparu. Pas mort. Il n’y a aucun doute : mes bourreaux sont des sbires du FPR tutsi qui se sont fait passer pour des hutus », relate l’artiste rwando-canadien. Voilà la phrase qui bouleverse la rhétorique et la lecture établies par le victorieux FPR quant au génocide qui a particulièrement ciblé les Tutsi. Le témoignage de Corneille corrobore beaucoup d’autres qui font état de l’implication du FPR dans les tueries contre les Tutsi astucieusement attribuées aux Hutu, le parti du général Kagame étant bien entendu louangé pour l’arrêt du génocide. Parmi ces témoignages qui gênent figurent les confessions des anciens officiers de l’APR (armée du FPR) notamment Joshua Ruzibiza et Alphonse Furuma.
Le silence du chanteur Corneille a trop duré. Ceci nourrit le cynisme des amoraux courtisans du FPR qui se permettent de mettre en doute l’auteur de « Là où le Soleil Disparait » et le qualifient de menteur! Une lectrice qui trouve pathétique cette attitude apathique des Rwandais et étrangers acquis à la cause du FPR a exprimé son amertume en ces mots : « On n’a plus le droit de raconter nos histoires tel qu'on les a vécues? Ceux qui sont habitués de fabriquer les leurs sont ceux qui l'attaquent. Si une personne dit qu'il était là le jour du massacre des siens et que la même personne qui a tout vu donne sa version des choses, toi qui étais ailleurs tu te bases sur quoi pour prétendre que tu connais mieux son histoire????Donc il y a des criminels qu’il ne faudra jamais pointer du doigt? Il y a des assassins qui rendent victime et d'autres non! Dommage. La compassion est une valeur absente au Rwanda. #unpeuplepathétique. » [V.G]
À bout de patience, Corneille a exprimé tout haut ce que nombreux Tutsi rescapés pensent tout bas. Il a fait sa thérapie n’en déplaise à ceux qui, au nom de la solidarité ethnique, ont choisi de supporter mordicus le fossoyeur frauduleusement proclamé héros.
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