ASSASSINAT DU COLONEL PATRICK KAREGEYA: Entre accusation et consternation, exaltation et aversion
DÉCLARATIONS DES MEMBRES DEL’OPPOSITION
Général Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état-major de l’armée en exil :« Il ne fait aucun doute pour moi que le gouvernement du Rwanda est responsable de tout cela. PatrickKaregeya est réfugié, ici, en Afrique duSud. Il n'a jamais eu aucun problème avec qui que ce soit dans ce pays. Qui d'autre que le président Paul Kagame, qui l'a pourchassé au cours des dixdernières années, voudrait voir Patrick Karegeya mort ? C'est un assassinat politique, comme le gouvernement du Rwanda en a toujours mené. C'est lapolitique du gouvernement du Rwandade de tuer ses opposants. »
Déclaration Boniface Twagirimana viceprésidentdes Forces démocratiquesunifiées (FDU) : « La communauté internationale devrait vraiment intervenir sur cette affaire d’assassinat qui cible tous les opposants du régime du FPR. Cet assassinat nous inquiète vraiment, parce que ça montre que le pouvoir du général Kagame n’a aucune volonté d’ouvrir l’espace politique. C’est pour cette raison que je demande à la communauté internationale de réagir. S’ils continuent à fermer les yeux,vraiment c’est très inquiétant. »
MESSAGE DE CONDOLÉANCES
Jean-Marie Nkezabera, président del’ISCID « L’Institut Seth Sendashonga pour la Citoyenneté Démocratique (ISCID asbl) - a appris avec consternation l’assassinat du Colonel PatrickKaregeya le 1er Janvier 2014,retrouvé mort étranglé dans unechambre de l’hôtel Michelangelo de Johannesburg en Afrique du Sud.L’Institut Seth Sendashonga présente ses condoléances les plus attristées àla famille éprouvée, aux amis etconnaissances ainsi qu’à la formation politique « Rwanda National Congress » dont il était un des membresfondateurs.»
Source : Internet
DÉCLARATIONS DES OFFICIELSRWANDAIS
Paul Kagame, président de la République:« Ceux qui nous accusent d'être responsables de la mort de […] ont fait de même un millier de fois pour défendre leurs nations… La trahison ades conséquences, tous ces types n'auraient rien été sans le Rwanda.C'est le Rwanda, qu'ils dénigrent aujourd'hui, qui a fait d'eux ce qu'ils sont. Quiconque trahit notre cause ou souhaite du mal à notre peuple deviendra une victime…».
Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères :« Cet homme était un ennemi autodéclaré de mon gouvernement et de mon pays. Vous attendez-vous à de la pitié? ».
James Kabarebe, ministre de la Défense nationale :« Méfiez-vous des langues qui répandent ici et là que tel a été étranglé au 7ème étage dans un tel pays. Quand tu as opté pour vivre comme un chien, tu meurs comme un chien. Les chargés de l’hygiène dégagent le cadavre et sa pourriture vers un dépotoir loin des habitats. Il en est ainsi de ceux qui ont choisi cette vie. Ils sont victimes de tels traitements. Nous n’y pouvons rien. Nous n’en sommes pas responsables ».
DÉCLARATION D’UNE SPÉCIALISTE
Suzan Thomson, Professor, Colgate University (USA) [Choix des extraits et traduction libre du chroniqueur]« … Il est trop tôt pour accuser Kigali mais il est également trop tôt pour penser que Kigali n'est pas impliqué…Je tiens également à préciser que Karegeya n’est pas un héros. Bien que ça soit toujours un moment de tristesse et de réflexion quand quelqu’un meurt, il convient de mentionner que Karegeya a vécu par l'épée et qu’il avait du sang sur les mains….
Oui, il est tombé en disgrâce et démis de ses fonction en 2007, mais il était quand même chef des renseignements extérieurs au Rwanda de 1994 à 2004… Entre autres, Karegeya a supervisé les massacresde Kibeho en Avril 1995…de toutes les ethnies, ont été tués par des militaires du FPR...
Karegeya était aussi un membre fondateur du Congrès national rwandais, avec d'autres alliés autrefois proches du président rwandais Paul Kagame. Or, les objectifs et les aspirations politiques de la RNC ne sont passignificativement différents de lapolitique actuelle conduite par le Front patriotique rwandais… Les victimes qui ont perdu leur vie par les machinations ou la complicité de Karegeya méritent d’être mieux considérées que lui …».
Ce que j'en pense... (Chronique de Victor Manege Gakoko)
Dans leurs déclarations publiques, les officiels rwandais ne devraient pas oublier qu’ils s’adressent autant à la population qu’aux politiques et intellectuels "toutes tendances confondues". Et normalement dans toutes les cultures du monde, on respecte toujours les morts. Ceci dit, je garde en mémoirel’interview de feu Patrick Karegeya (Qu’il reposeen paix!) qu’il a accordée à RFI en juillet 2013.
[À la question de Sonia Rolley sur les preuves de l’implication du président Kagame dans l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana, Patrick Karegeya a répondu : "Si nous n’en avions pas, nous ne dirions pas ça. Évidemment, nous en avons. Nous ne spéculons pas. Nous ne sommes pas comme ceux qui essaient d’enquêter, qui disent que le missile venait de Kanombe. Nous savons d’où les missiles sont partis, qui les a acheminés, qui a tiré. Nous ne spéculons pas. On parle de quelque chose que l’on connait."]
Devant une telle grave accusation venant d’un ancien chef des renseignements extérieurs, normalement la consigne du gouvernement devrait être de garder « le silence total », d’autant plus que l’enquête sur l’assassinat du président Juvénal Habyarimana suit son cours normal. Or, nos zélés d’officiels rivalisent dans d’initiatives médiatiques qui choquent l’opinion nationale et internationale. Ainsi, si je ne m’étais pas fixé la ligne médiane de ma chronique, j’aurais le plaisir de paraphraser cette citation célèbre de Jean-Pierre Chevènement : "Un ministre, ça ferme sa gueule. Et si ça veut l'ouvrir, ça démissionne."
Alors, comme un chef desrenseignements est plus important qu’un ministre partout en Afrique, certains ministres figurants rwandais, parvenus ou occasionnels de surcroit, devraient effectivement fermer leurs gueules en s’abstenant de banaliser les assassinats des personnalités politiques. Encore pire, et c‘est vraiment l’occasion de le dire, c’est la médiatisation à la rwandaise, sur des réseaux sociaux, de la haine à travers la danse d’insultes peu civilisées et parfois teintées de xénophobie.
Force est deconstater que ce sont toujours les officiels rwandais qui ouvrent la valse d’injures fantasmatiques ou le tango d’agressivités boulimiques. Aujourd’hui, la haine publique s’affirme et s’affiche à toutes les occasions et à tous les niveaux. Dans des discours abusivement passionnels, "je hais et donc jesuis" est devenue la nouvelle norme de la morale rwandaise au détriment de la noble culture d’Ubupfura (Politesse).
La mort du Colonel Patrick Karegeya devrait interpeller toutefois tout Rwandais, non pas la"mort" en tant que telle mais l’"assassinat" comme moyen de règlement des comptes politiques. En tout cas, dans l’opinion, ce crime ravive encore, ou tout au moins, la méfiance de l’opposition à l’égard du régime rwandais. Sinon, face aux persécutions omniprésentes, mieux vaut mourir chez son voisin ami, que vivre chez son frère ennemi, telle est la contrariété de tout exilé politique qu’il soit d’hier, d’aujourd’hui ou celui de demain.