COMMENT LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE RÉAGIT-ELLE AUX ASSASSINATS RÉPÉTITIFS DES HOMMES POLITIQUES RW
LES ASSASSINATS D'OPPOSANTS RWANDAIS INQUIETENTLES ETATS-UNIS « AU PLUS HAUT POINT »
Le Monde.fr | 23.01.2014 Par Philippe Bernard
Alors que doit être commémoré, à partir d'avril, le vingtième anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda, les Etats-Unis haussent le ton à l'égard du régime de Paul Kagamé comme jamais ils ne l'ont fait depuis cette tragédie. Washington est « préoccupé par la succession de ce qui semble être des meurtres à mobiles politiques d'exilés rwandais influents », a déclaré jeudi 16 janvier Jen Psaki.
La porte-parole du département d'Etat ne s'est pas contentée de cette remarque insistante et inédite, …« Les récentes déclarations du président Kagamé à propos des “conséquences” pour ceux qui trahissent le Rwanda nous inquiètent au plus haut point », a poursuivi Mme Psaki. Deux semaines après la découverte du meurtre commis à Johannesburg et attribué au régime de Kigali par l'opposition, le chef de l'Etat rwandais avait averti, en une claire allusion au sort de M. Karegeya, mais sans le nommer : « La trahison a des conséquences. Quiconque trahit notre cause ou souhaite du mal à notre peuple deviendra une victime. » Qui donc a tué Patrick Karegeya ? M. Kagamé enfonce le clou dans le dernier numéro de l'hebdomadaire Jeune Afrique : « Le terrorisme a un prix, la trahison a un prix, déclare-t-il. On est tué comme on a soi-même tué. Chacun a la mort qu'il mérite. »
« GÉRER LES GÉNÉRAUX EN INSTILLANT LA PEUR »
Le président [Paul Kagame] reproche à ses opposants de chercher à parasiter l'anniversaire du génocide et les accuse de préparer des « actes terroristes ». Il est vrai qu'en août 2010, au lendemain de la réélection pour sept ans de Paul Kagamé émaillée d'attentats à la grenade à Kigali, le colonel aujourd'hui éliminé avait déclaré : « Le changement ne peut pas venir par l'élection, mais par des moyens violents. » …]
LES TRAVAILLISTES BRITANNIQUES DEMANDENT AU GOUVERNEMENT DE SUSPENDRE SON AIDE AU RWANDARFI
| 21 janvier 2014 Par Muriel Delcroix
En Grande-Bretagne, le parti travailliste appelle le gouvernement à suspendre son aide au Rwanda, le temps d’enquêter sur les assassinats d’exilés politiques rwandais. Ces déclarations surviennent après l’assassinat de l’exilé politique Patrick Karegeya à Johannesburg, et mettent la coalition de David Cameron en difficulté.
[C’est un lourd pavé dans la mare que vient de lancer l’opposition travailliste. L’un de ses députés, Jim Murphy, chargé du développement international, veut obliger le gouvernement britannique à clarifier sa position face aux allégations de longue date d’assassinats d’opposants politiques commandités sur leurs lieux d’exil par le président Paul Kagame.Londres est l’un des plus gros donateurs du Rwanda, avec quelque 110 millions d’euros d’aide par an. Selon Jim Murphy, cette générosité devrait l’inciter à demander des comptes à Kigali et obtenir certaines réponses.
Mais face à un dossier de plus en plus embarrassant, le ministère des Affaires étrangères a botté en touche. Interrogé par RFI sur le récent meurtre de Patrick Karegeya en Afrique du Sud, et sur le fait qu’en 2011, Scotland Yard avait prévenu trois ressortissants rwandais en exil que Kigali menaçait leurs vies, un porte-parole du Foreign Office s’est contenté de renvoyer la question « aux autorités compétentes ».
Quant à l’aide financière, elle ne va plus directement au budget du gouvernement rwandais, mais à des programmes en faveur de l’éducation et de l’agriculture. Un bémol dans les relations des deux pays qui date de 2012 et du soutien avéré du Rwanda aux rebelles du M23. Il est néanmoins clair que la Grande-Bretagne n’est pas encore prête à prendre officiellement à partie Paul Kagame, qui a longtemps entretenu de très proches relations avec Londres, désireuse d’accroître son influence dans cette partie d’Afrique francophone.-]
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Le peuple a-t-il vraiment des dirigeants qu’il mérite?
Par Ismaïl Mbonigaba
Au 21e siècle, il ne suffit pas de s’indigner, il est également urgent de poser des actions concrètes pour rompre avec les pratiques qui mettent la vie des personnes en danger. À force de se résigner religieusement à leur sort, les citoyens qui endurent cruautés et violences des autorités politiques au Rwanda depuis la nuit des temps donnent l’impression que non seulement le peuple a perdu ses libertés, mais aussi qu’il a bien gagné sa soumission.Un peuple qui ne s’émeut pas mais plutôt applaudit des discours politiques émaillés de références au meurtre, au massacre et au génocide à son endroit. On s’explique mal comment, sous la République, un chef de l’État peut se comporter comme un prédateur ou comme un fermier qui, à sa guise, choisit dans sa ferme les bêtes à envoyer à l’abattoir ou au marché, sans susciter une moindre protestation.
Je me permets de paraphraser les propos du célèbre jamaïcain chanteur de Reggae et demander jusqu’à quand nous continuerons de croiser les bras, pendant que notre peuple se fait gratuitement émonder par des tyrans érigés en modèles de leadership. [How long will they kill our prophets while we stand aside and look?-Bob Marley]Chose complètement paradoxale, Bill Clinton, ancien président des États-Unis, ne tarit pas d’éloges à l’égard de Paul Kagame qu’il décrit de «Our kind of guy», signifiant que le président rwandais est de l’acabit nord-américain, bref un personnage parfaitement civilisé. « Un dirigeant visionnaire », ne saurait mieux renchérir Tony Blair, ancien Premier ministre britannique. Ce dernier reste d’ailleurs membre du Presidential Advisory Council (Conseil consultatif présidentiel) de Paul Kagame entouré de soi-disant "grands" experts occidentaux en matière de bonne gouvernance. Et de se demander, l’Occident se moque-t-il de nous quand il ferme les yeux sur les abus de la gouvernance démocratique? Et pour preuve…
Le président Kagame nargue l’Occident
Dans un discours en langue kinyarwanda ponctué de passages en anglais, le président du Rwanda a dit lors du Youth Connekt Dialogue le 30 juin 2013, que les normes occidentales en matière de démocratie et de droits humains ne peuvent pas s'appliquer dans son pays.Le général Paul Kagame a déclaré devant un millier de jeunes : «Ceux [en Occident] qui exigent de nous la démocratie, des droits, des libertés et que sais-je encore, ont leurs propres méthodes et des normes qui ne peuvent pas s'appliquer au Rwanda. Ne sont-ils pas plutôt en train de se moquer de nous ? Nous avons même fait plus que ce qu'ils demandent. Nous avons ouvert l'espace politique, même à ceux qui ont commis le génocide. Y a-t-il au monde un espace plus grand que cela?»Selon le président Kagame, l'Occident teste l’espace politique au Rwanda en stimulant des partis d’opposition. Il met ces derniers en garde contre une quelconque turbulence, sinon «s'ils tentent de déranger les gens, ils seront mystérieusement frappés», a souligné Paul Kagame.
Mais, qui a donc tué Patrick Karegeya ? Monsieur Kagame a bien enfoncé le clou dans une entrevue accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique : « Le terrorisme a un prix. La trahison a un prix, déclare-t-il. On est tué comme on a soi-même tué. Chacun a la mort qu’il mérite. »
Un aveu à peine voilé sur l’exécution de la sentence de mort prononcée au présumé-coupable-terroriste Karegeya, pensent l’opposition et l’opinion publique.