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L'ALIÉNATION IDÉOLOGIQUE COMME PIVOT DANS LES RÉGIMES DICTATORIAUX (2è PARTIE)

Pour pouvoir comprendre pourquoi les gens suivent aveuglement un « leadership » dictatorial ou applaudissent les propos ou un discours insensé, il convient de connaître le mode opératoire de l’aliénation idéologique que certains appellent carrément le lavage de cerveau.


Le génocide commis au Rwanda est une tragédie humanitaire et quels que soient les auteurs, ils doivent être poursuivis et sanctionnés. Ce qui n’est pas normal, c’est que le régime actuel utilise ce drame quand il veut coincer les critiques qui n’adhèrent pas à sa politique. Malheureusement, ce génocide est devenu pour le pouvoir en place, un outil pour faire taire même ceux qui n’y ont pas trempé. Monter de toute pièce un dossier pour inculper quelqu’un qui était au Rwanda pendant le génocide, c’est simple quand on est juge et partie ; le cas du procès du « feu » Mgr MISAGO est criant, pour ne citer que celui-là parmi tant d’autres.


L’état d’esprit au «pays des mille collines» témoigne que le régime en place a bel et bien réussi la manipulation mentale, non seulement sur la population mais aussi sur ceux qui occupent des postes politiques, y compris ceux qui sont nommés à certaines fonctions par les décideurs. Quoi que dise et quoi que fasse le chef de l’État, il est toujours applaudi. Quelques exemples : le 31 mars 2003, à Bwisige, le Président Paul Kagame a juré de broyer, d’écarteler quiconque va se dresser sur son chemin. Il a été applaudi. À cette époque, le pouvoir venait de dissoudre le Parti MDR, et le Président P. KAGAME n’avait pas hésité à utiliser ce terme «broyer» à l’endroit de certains anciens membres de ce parti dissout qui tentaient de fonder un nouveau parti, parmi eux, on se souvient de Monsieur Célestin KABANDA qui, ce jour-là, fut contraint de démissionner de son poste de Secrétaire d’État au Ministère des Finances.


Dans son discours du 12/4/2010, le président Kagame a qualifié ses anciens compagnons en exil, d’«excréments humains». Applaudissements nourris. Le 12/01/2014, il a ouvertement dit qu’il n’éprouvait aucun regret à l’égard de l’assassinat de Patrick Karegeya et a ajouté qu’il y aura d’autres victimes. C’était au cours d’un petit-déjeuner de prière et les propos du président ont été applaudis.Pour applaudir de tels propos, soit, c’est par contrainte d’être vu du bon oeil par son chef et ainsi pour garder son poste ou en obtenir un, ou bien on est convaincu de cette idéologie, on est dans le fanatisme aveugle. Dans ces deux cas, consciemment ou pas, on est touché par l’aliénation idéologique ou lavage de cerveau. On ne réagit pas selon sa logique ni sa conscience mais selon la volonté de «l’homme fort», non pas parce qu’on l’apprécie mais tout simplement parce qu’on a peur de lui.


La manipulation idéologique ne touche pas seulement les masses populaires, mais aussi l’élite de l’intérieur comme celle de l’extérieur. On voit de temps en temps ceux qui ont pendant longtemps critiqué le régime actuel avec des arguments pertinents et qui, à un certain moment, retournent leur veste pour donner raison au pouvoir alors que la situation s’est empirée de plus belle sur le plan politique, sociale et démocratique. À titre d’exemple, on peut citer le cas de l’ancien Premier Ministre Pierre Célestin Rwigema.En exil, il avait vivement critiqué le régime en place. Ce dernier l’a alors mis sur la liste des génocidaires pour l’évincer et monnayer en position de force. Kigali acheta son silence, son soutien et son retour pour impressionner l’opinion internationale. Mr Pierre Célestin Rwigema dut s’abaisser pour se voir rayer de cette liste noire, pour récupérer ses biens et obtenir un poste même s’il lui a fallu en plus, faire le mort politique et donc signer la mort de sa personnalité.


Le régime actuel vient de lancer une campagne appelée « Ndi Umunyarwanda ». Dans ce programme, il est demandé même à ceux qui n’ont aucun rapport avec le crime de demander pardon au nom de ceux qui ont commis le génocide du fait qu’ils sont de la même ethnie. N’est-ce pas une stratégie à peine voilée, pour humilier une partie du peuple rwandais dans le but de la mettre hors-jeu politique, en la dévalorisant afin qu’elle ne se sente plus au même pied d’égalité que les autres citoyens ? Comment un enfant qui n’était même pas né au moment du génocide doit-il porter la responsabilité de demander pardon pour ce crime qu’il n’a pas commis ni connu ? Et d’ailleurs, pour ceux qui étaient au Rwanda mais qui n’ont pas commis ce crime, y a-t-il raison de les obliger à demander pardon ? Seuls les responsables dans ce génocide devraient être poursuivis, sanctionnés, et le cas échéant, demander pardon. Cela n’est que justice. Mais voilà, à cause de la peur que les gens éprouvent face au régime, ils se prêtent à ce jeu à tout vent, comme par exemple le sénateur Bernard Makuza qui demande pardon en arguant que son père Anastase Makuza n’avait pas combattu l’idéologie divisionniste sous la 1ère république! Ce programme a même été raisonnablement critiqué par certains rescapés du génocide; comme par exemple Monsieur Pacifique KABALISA.


Dans toutes les aliénations idéologiques, pour convaincre et conscientiser, les discours de départ sont séduisants voire convaincants. L’exemple de la création des Intore est aussi éloquent. On parle de la solidarité, de l’unité, du patriotisme, de l’entraide, de l’amour du travail pour pouvoir développer son pays. Cependant, nous remarquons ces derniers mois que les Rwandais se questionnent sur le plan à long terme de ces Intore. Certains constatent qu’ils sont manipulés pour défendre les intérêts et l’idéologie de «l’homme fort» qui par ailleurs, est considéré comme Intore par excellence. Pire encore, ils se sentent obligés d’y adhérer pour ne pas se voir refuser certains services publics auxquels ils ont plein droit. On commence à entendre qu’il y a des Intore chargés d’une mission d’espionner ceux qui critiquent le régime en place à l’étranger, d’où les inquiétudes fondées quant à la possibilité d’engager ces fanatiques dans des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité personnelle des individus.Il y a plusieurs manières d’user de l’aliénation idéologique.


Le dernier exemple que nous donnons ici et qui n’est pas le moindre c’est la manipulation qui consiste à pousser les partis satellites, l’assemblée nationale ou une autre catégorie de la population pour faire semblant d’exprimer une position ou une idée alors que réellement, derrière, c’est bien l’injonction ou l’intention venant d’en haut. Le lavage de cerveau se traduit par des comportements propres aux courtisans qui font tout en vue de satisfaire leur maître en se privant eux-mêmes l’usage de la logique et de l’intelligence. Par exemple, ces derniers mois, au Rwanda, on a assisté au positionnement du PDI (Parti Démocrate Idéal) et des universitaires qui demandaient à ce que le mandat présidentiel soit illimité ; c’est étrange comme idée à notre époque, non ?


Mais comme le Président Paul Kagame est en son deuxième mandat et qui devait être le dernier selon la Constitution, c’est comme si, coûte que coûte, on cherche à trouver comment il pourrait se donner la légitimité de poursuivre à la tête du pays. Est-ce une façon de préparer l’opinion à la révision de la Constitution pour une énième fois ?Avant qu’on ne la change, la devise de l’UNR (Université Nationale du Rwanda) était «Illuminatio et Salus Populi» c’est-à-dire “La lumière et le Salut du Peuple”. Cela avait un sens qui malheureusement aurait du mal à s’appliquer actuellement, au vu des circonstances ci-haut évoquées.


Si les universitaires, l’élite et tous ceux qui se disent évolués se laissent faire, aveugler ou soudoyer, sans au moins exiger le respect de la Constitution, ni engager un débat à la hauteur du monde moderne, est-ce le bas peuple qui pourra le faire? Peut-on prétendre construire un pays sur de bases solides quand les citoyens adhèrent par contraintes ou manipulation et non par conviction?


Jean-Claude Mulindahabi




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