PAS DE DÉMOCRATIE SANS OPPOSITION LÉGALE
Le rôle de l’opposition est essentiel en démocratie
En démocratie, il n’est pas indispensable qu’il y ait unité, consensus ou unanimité, l’important est qu’une majorité se dégage. Toutefois, la minorité a aussi des droits. On désigne par opposition, un parti ou un ensemble de partis mis en minorité (écartés de l’exécutif ou n’exerçant pas le pouvoir) par les élections ou la recomposition des forces et rapports de forces politiques. L’opposition peut bien être parlementaire ou extraparlementaire et elle a plusieurs fonctions.
Tout d’abord, l’opposition constitue un contre-pouvoir car elle permet d’éviter que la majorité, une fois parvenue au pouvoir, n’ait la tentation de mener une politique portant atteinte aux droits et libertés. L’opposition représente aussi la possibilité d’une alternance politique et de ce fait elle participe à l’existence du pluralisme politique, qui est une des bases de la démocratie. Ce pluralisme permet de choisir démocratiquement ses gouvernants. Or, il n’y a de choix véritable que si l’électeur peut se prononcer entre plusieurs possibilités et de façon éclairée. Ainsi, à travers l’opposition, les citoyens éventuellement mécontents disposer d’un recours. Enfin, l’opposition permet également de renouveler le personnel politique quand perd le pouvoir à l’issu d’une élection. Aussi une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques peut trouver une place de choix dans l’opposition et se préparer ainsi à assumer des fonctions importantes à l’occasion d’une victoire à venir.Le rôle de l’opposition est donc primordial dans le fonctionnement de la démocratie et il peut se résume en trois fonctions essentielles : critiquer, contrôler et proposer. C’est pourquoi certains pays lui ont organisé un véritable statut. Ainsi, la Grande Bretagne ou le Canada a érigé la fonction de chef de l’opposition en fonction officielle appelée aisément « Chef de l’opposition à Sa Majesté ».
DROITS ET DEVOIRS DE L’OPPOSITION
Deux grands principes doivent ériger l’action de l’opposition, à savoir, (i) chercher à arriver au pouvoir par le scrutin ouvert et (ii) ne pas empêcher l’action des gouvernants délégués par la majorité.Toutefois, en contrôlant la majorité et en l’empêchant de s’installer dans l’arbitraire, l’opposition défend et promeut en même temps ses droits. L’un des moyens privilégiés de son action de contrôle est la critique de l’action et des visions gouvernementales. Et puisqu’elle aspire au pouvoir, l’opposition doit élaborer et diffuser ses propositions dans chacun des domaines de la vie nationale (l’exemple anglo-saxon de Shadow Cabinet).En principe, toute opposition bien constituée a des droits et des devoirs. Le tout premier droit consiste bien-sûr à obtenir un statut institutionnel reconnu comme tel et respecté par la majorité ou le parti au pouvoir. De ce statut découlent d’autres droits complémentaires, notamment, le droit d’accéder aux informations concernant la vie politique, celui d’être traité de manière équitable, ou alors celui de représentation au sein des organes étatiques conformément aux dispositions de la loi ou de la Constitution. Par ailleurs, l’opposition a le droit de suivre l’action gouvernementale et, le cas échéant, la critiquer de façon précise et constructive. À l’occasion des cérémonies et réceptions officielles, l’opposition a également le droit aux considérations protocolaires qui doivent s’exercer suivant les règles établies par le protocole de l’État.
En contrepartie, l’opposition a aussi des devoirs qu’elle doit impérativement respecter. Parallèlement aux droits, le premier devoir de l’opposition est de défendre les intérêts supérieurs de la Nation dans le respect de la loi. En effet, comme l’aspiration au pouvoir ne peut s’effectuer que dans le strict respect de la loi, le devoir de contribuer au développement de l’esprit et des pratiques démocratiques impose à l’opposition le respect de la règle de la majorité. De plus, l’opposition a l’obligation politique de contribuer à l’élévation du débat public en fournissant à l’opinion publique les informations et thèses contradictoires. Enfin, comme elle se prépare à assumer éventuellement le pouvoir, l’opposition a le devoir de formuler et d’élaborer aussi clairement que possible de propositions alternatives à celles du ou des parti(s) au pouvoir.
MOYENS D’ACTION DE L’OPPOSITION
Dans la même logique, quand l’opposition a un statut juridique reconnu, elle dispose exactement des mêmes moyens d’action que la majorité au pouvoir. Par exemple, à l’égard des médias d’État, l’opposition a le droit d’égal accès et d’égal traitement quant à la diffusion de ses positions en langues officielles sur tous les problèmes de l’heure. Aussi, des émissions telles que le forum politique, droits de savoir, tribune, doivent être ouvertes à l’opposition indépendamment du fait qu’elle peut initier d’autres grands débats sur des sujets bien déterminés. Il est reconnu également à l’opposition, le droit aux activités politiques et à la liberté de presse (conférence, meeting, manifestations) dans le strict respect de la législation en vigueur. Dans tous les cas, la compétition dans un marché politique ouvert doit être loyale.
QU’EN EST-IL DU RWANDA?
L’Article 52 de la Constitution de 2003, révisé en date du 08 décembre 2005 stipule : « Le multipartisme est reconnu. Les formations politiques remplissant les conditions légales se forment et exercent librement leurs activités, à condition de respecter la Constitution et les lois ainsi que les principes démocratiques et de ne pas porter atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité du territoire et à la sécurité de l’État…La loi organique régissant les formations politiques définit les sièges de leurs structures dirigeantes au niveau d’autres entités administratives du pays».Quant à l’Article 57, il précise : «Les formations politiques légalement constituées bénéficient d'une subvention de l'État. Une loi organique définit les modalités de création des formations politiques, leur organisation et fonctionnement, l'éthique de leurs leaders, les modalités d’obtention des subventions de l'État et détermine l'organisation et le fonctionnement du Forum de concertation des formations politiques».Du point de vue institutionnel, il faut souligner un grand pas que le gouvernement rwandais a franchi dans la démocratisation de la République. La Loi fondamentale constitue à cet effet une preuve irréfutable. Est-ce que l’opposition est reconnue officiellement ? Non, pas encore et pourquoi ? Parce que tout simplement les partis légalement constitués ne l’ont encore demandé pour que la loi organique régissant les formations politiques soit modifiée ou complétée en conséquence.
En conclusion, les opposants politiques qui se classifient comme tels doivent d’abord remplir les conditions légales pour la reconnaissance de leurs formations politiques respectives avant de revendiquer le statut d’opposition officielle qui ne constitue qu’une étape dans l’amélioration du processus et des pratiques démocratiques.