SUR LES TRACES D'ANDRÉ SIBOMANA
Hommage au grand journaliste et défenseur des droits humains
Par Tharcisse Semana
Comme Emmanuel Kant le suggère dans sa Métaphysique des mœurs, «il ne suffit pas seulement de faire le bien ou de vouloir faire le bien mais plutôt à faire le bien bien ». Tel est le principe qu’a fait sien Mgr André Sibomana. Dans l’engagement de journaliste et de militant des droits de l'homme – qui a été le sien et, entant que son disciple, est aussi le mien – rien n’est sûr ni non plus tracé d’avance. Tout est à imaginer et à ré-imaginer….
Journaliste et militant des droits de l'homme convaincu, Mgr André Sibomana s’est montré ferme et intraitable à deux régimes qui, dans la continuité d’une dictature militaire, violaient les droits de l’homme et cadenassaient l'espace des libertés humaines. Il n’a jamais mâché les mots en dénonçant les excès du régime du président Habyarimana et ne s'est jamais non plus interdit de s’élever énergiquement contre des violences et des exactions du Front patriotique rwandais depuis la prise de pouvoir et les assassinats dirigés contre des populations et de nombreuses personnalités politiques opposées à son idéologie politico-sociale.
Sur tes traces je m’engage librement et activement
Journaliste et militant des droits de l'homme, telles sont tes deux casquettes, cher André. Deux casquettes que je voudrais moi aussi porter, non pas seulement pour immortaliser ton engagement mais aussi pour célébrer doublement les 44 ans : d’une part l’âge que j’atteins actuellement et d’autre part, les années que t’as passés ici sur terre. Cher André, j’ai eu la chance de t’avoir rencontré et connu. Bien que j’aie peu travaillé avec toi, j’ai trouvé en toi un homme mais un homme pas comme les autres. T’es parmi les grands que je connais et dont le monde entier ou du moins le Rwanda devrait célébrer et honorer la mémoire.
T’es grand et ta grandeur est inégalable. Ta place est réservée. Ton engagement social ou plutôt ta vie de journaliste et de militant des droits de l’homme s’inscrit dans le sillage des grands militants historiques dévoués à la cause de la non-violence, de la paix et de la liberté. T’as ta place méritée sur la liste de héros historiques de cette cause au même titre que Mahatma Mohandas GANDHI, Martin Luther KING, Nelson Mandela pour ne citer que ceux-là.
Les morts ne sont pas morts…
« Les morts ne sont pas morts », disait-il Birago Diop. Ils sont dans l'ombre qui s'épaissit. Les Morts ne sont pas sous la Terre: Ils sont dans l'Arbre qui frémit, Ils sont dans le Bois qui gémit, Ils sont dans l'Eau qui coule… Et à moi d’ajouter qu’avec André Sibomana c’est coule! Oui, t’es pas parti mais t’es vivant parmi nous. Ton souffle siffle au milieu des tiens et autour de nous. Un jour ou l’autre ton vibrant sifflet retentira au sommet des mille collines. Les mille collines que t’as sillonnés feront un jour mémoire de toi.
La paix, la liberté et les droits de l’homme que t’as prêchés au « pays des mille problèmes » seront un jour une réalité. Et les Rwandais n’en veulent que ça. Infatigable défenseur des libertés, que dois-je te dire encore? Puis-je reprendre et chanter avec toi ton hymne préféré ? Il semble que ma seule voix ne suffit pas. Et, je me rappelle d’ailleurs que ton hymne ne se chante pas en solo mais plutôt à l’unisson. Que dois-je faire ? Cher André, je te supplie et t’en prie. Fais fléchir les cœurs de [qui te dénigrent et] ceux qui se montrent indifférents au « mal rwandais » pour qu’ils s’engagent avec moi sur tes traces. Que tous mes frères et confrères journalistes se joignent à moi pour chanter en canon ton hymne préférée : la Liberté. Oui, t’aimes bien chanter. Et t’aimes chanter la liberté non pas avec le "l" minuscule mais plutôt avec le "l" majuscule. Donc, la Liberté. Et, à ce que je sache de toi, t’aimes chanter plus particulièrement cette « Liberté » en la mettant toujours au pluriel. Au-delà de nos limites humaines, t’as même imaginé les Libertés intrinsèques et révélées. Et c’est cela qui t’a fait un homme pas comme les autres. C’est pour cela que tu nous invites à garder toujours espoir pour notre cher pays, le Rwanda.
Garder toujours espoir, tel est l’un des caractéristiques de l’homme libre et debout. T’aimes d’être libre, libre de pensées. T’aimes aussi t’emporter quand il le faut. Et c’est cela qui caractérise l’homme vivant. Contre les lois liberticides j’en fais autant moi aussi. Quand le peuple [du Rwanda] que t’as bonnement servi n’ose pas entonner ton hymne préférée. Cela te fait certainement mal. Moi qui suis ton disciple, cela me choque. Certes. Je me sens révolté mais je ne suis pas « l’homme révolté ». Albert Camus peut en témoigner. Bien que je sois aussi naturellement son disciple, il sait que je ne le suis pas au même degré qu’avec toi. D’ailleurs vos époques s’éloignent un peu. T’es mon contemporain plus que Camus. C’est avec toi que je peux mieux chanter la Liberté.
Le retour triomphal de la « Liberté » approche
Oui, Gardons espoir pour le Rwanda. Gardons espoir que cette hymne à la Liberté sera chantée un jour au Rwanda. Ton retour triomphal où la note « la Liberté » sera scandée approche. Je l’entrevoie déjà…. Très prochainement. Nous tous Rwandais, nous chanterons avec toi la Liberté. En canon, nous nous entraînons déjà sous le diapason des VEPELEX qui te prend pour modèle. Oui, allegretto et animato sont deux mouvements vivement recommandés pour scander en alternant l’hymne à la Liberté. Nous qui sommes tes disciples nous gardons toujours espoir que ces deux mouvements indispensables seront respectés pour honorer ta mémoire.
« Gardons espoir pour le Rwanda » reste à jamais un joli testament gravé sur le papier glacé. Des générations en feront mémoire.