COLLOQUE DE PARIS : LA VERITE QU’ON N’AVAIT PAS ENCORE DITE
Reportage de Jean-Claude Mulindahabi
Vépélex France
« Ceux qui renient ou minimisent le génocide des Tutsi sont appelés à juste titre négationnistes ou révisionnistes. Les mêmes qualificatifs doivent désigner ceux qui tentent de nier ou contester les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par l’APR sur les civils au Rwanda et en RDC. Quels que soient les auteurs de ces crimes, ils doivent être traduits en justice pour éviter que cela ne se reproduise plus jamais. »
Filip REYNTJENS
Intitulé « le drame rwandais, la vérité des acteurs », le colloque organisé par le club « Démocraties » a rassemblé le 1er avril à Paris plusieurs personnalités dont Johan Swinnen l’ancien ambassadeur de Belgique au Rwanda de 1990 à 1994, le colonel Luc Marchal l’adjoint au commandement de la MINUAR, le général Jean-Claude Lafourcade, commandant de l’opération « Turquoise », Carla Del Ponte, l'ancienne procureure du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), trois anciens membres du FPR (Front Patriotique Rwandais) et anciens hauts cadres mais devenus opposants farouches à l’actuel régime, et tous membres de RNC (Rwanda National Congress). Il s’agit pour ces trois derniers du Dr Théogène Rudasingwa, successivement ancien secrétaire général de Front patriotique rwandais (FPR), ambassadeur du Rwanda à Washington et conseiller du Président Paul Kagame, le Dr Gérard Gahima ancien procureur général du Rwanda et le major Jean-Marie Micombero, ancien secrétaire général au Ministère de la défense et qui, auparavant, avait travaillé dans les services de renseignement et faisait partie des soldats de l’APR (Armée Patriotique Rwandais), qui furent cantonnés dans les locaux du Parlement rwandais (CND), peu avant le génocide.
Les conférenciers ont apporté l’éclairage sur les évènements survenus avant, pendant et après le génocide des Tutsi, sans oublier les crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La plupart de ces orateurs, ont vécu cette période sombre comme une expérience extrêmement dure, aussi leur témoignage est-il considéré par les organisateurs du colloque comme une vérité des acteurs et les faits historiques relevés sont fiables pour eux, alors qu’ils sont catégoriquement rejetés par le régime de Kigali et ses partisans.
« Ceux qui renient ou minimisent le génocide des Tutsi sont appelés à juste titre négationnistes ou révisionnistes. Les mêmes qualificatifs doivent désigner ceux qui tentent de nier ou contester les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par l’APR sur les civils au Rwanda et en RDC. Quels que soient les auteurs de ces crimes, ils doivent être traduits en justice pour éviter que cela ne se reproduise plus jamais. » Filip REYNTJENS
Ces propos du chercheur, enseignant à l’Université d’Anvers en Belgique, également spécialiste de la région des grands lacs, Filip Reyntjens, auront retenu l’attention de tous les participants au colloque. Il les a tenus suite à un intervenant qui tentait de détourner l’attention des participants en disant que le contenu des exposants n’avait aucun fondement par rapport à la réalité du Rwanda.
En se dissociant de leur parti, les dissidents du FPR disent qu’ils veulent faire la lumière sur les événements. Ils reprochent aux responsables du pouvoir de Kigali, particulièrement au président Kagame, le mensonge, l’injustice, le détournement, la brutalité, la répression arbitraire et disproportionnée jusqu’aux assassinats. Le Dr Thèogène Rudasingwa accuse son ancien patron d’avoir commandité l’attentat du 06/04/1994 qui a coûté la vie au Président de l’époque, Juvénal Habyalimana, son homologue burundais Cyprien Ntaryamira, toute la délégation à bord et les membres de l’équipage.
Théogène Rudasingwa accuse également le chef de l’Etat rwandais Paul Kagame d’avoir orchestré l’assassinat de l’ancien président de la République Démocratique du Congo, Laurent Désiré Kabila. En détail, on retrouve le témoignage sur l’attentat de l’avion présidentiel, dans l’exposé du Major Micombero qui dit qu’il a entendu ses anciens compagnons de guerre et vu des mouvements relatifs à l’organisation de cet attentat. Quelques jours avant le magazine Marianne no 884 avait publié son témoignage sur cet attentat.
Les trois conférenciers ont souligné que le président Paul Kagame dirige le pays d’une main de fer, qu’il exerce un pouvoir absolu, utilise l’appareil militaire et les services de police pour identifier ses supposés ennemis et les anéantir quand ils ne sont pas carrément éliminés. L’ancien procureur général du Rwanda Gérald Gahima a indiqué que les trois pouvoirs, l’exécutif, le législatif et le judiciaire sont entre les mains du président Kagame et la preuve d’après Gahima, est que ces trois institutions obéissent toujours à la volonté du chef suprême.
Les trois anciens dignitaires et anciens membres du FPR qualifient le régime dirigé par Paul Kagame, de régime militaire, dictatorial et sanguinaire. Ils indiquent que pour tenter de tromper la vigilance de la communauté internationale, le régime de Kigali entretient des campagnes de désinformations. Les trois opposants tirent la sonnette d’alarme en indiquant que si rien ne change dans le bon sens, le pire risque de se reproduire au Rwanda.
Le Colonel Luc Marchal, Paul Quilès et le général Jean-Claude Lafourcade ont regretté quant à eux, la défaillance, l’inefficacité de l’ONU qui a retiré ses troupes au moment où le génocide commençait. Par ailleurs, ils s’étonnent de voir qu’au moment où la France a été le seul pays qui a pris le courage de mener l’opération « Turquoise » pour sauver des dizaines de milliers de vies, malgré tout, elle ne cesse d’être victime d’une campagne de désinformation et de diffamation à son encontre. Madame Carla Del Ponte a, quant à elle, accusé le président Paul Kagame d’avoir fait obstruction aux enquêtes sur les crimes dont sont accusés certains de ses proches collaborateurs. L’ancienne procureure du TPIR affirme même que cette obstruction et son non-renouvellement de mandat ont été bien pensées et mis en œuvre par les Etats-Unis d’Amérique en connivence avec l « ’homme fort » de Kigali.
Et pour conclure, ce colloque sur la vérité des acteurs, à l’unanimité, tous les exposants interpellent l’ONU, la communauté internationale, d’éradiquer l’impunité pour qu’il y ait justice pour tous. Ils soulignent que c’est la seule voie qui permettra d’éviter une autre tragédie ou d’autres crimes. Ils estiment que la justice pour tous garantira la stabilité du pays et la paix pérenne de tous.