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CULTURE DE LA TOLÉRANCE AU RWANDA : POUR UNE PÉDAGOGIE NATIONALE

Par Faustin Kabanza

Les Rwandais se sont entretués depuis la naissance de ce pays, et aujourd’hui, ils semblent s’habituer à ce mode de vie, plutôt à ce mode de « non-vie ». Désormais, il est pertinemment indispensable qu’on revienne à la raison, qu’on arrête ces cycles de violence, qu’on recrée une nouvelle mentalité avec un nouveau modèle de Rwandais.


Fort étonnamment, tous les conflits meurtriers interethniques ou entre classes sociales rwandaises (peut importe l’appellation) n’ont jamais appris aux rwandais (hutu et tutsi surtout) à mesurer les conséquences et chercher ainsi à trouver des solutions autrement que par des armes.


Au sein de la classe politique rwandaise, le dialogue est quelque chose d’inexistant pour peu que l’on puisse dire, plus encore le dialogue est pris pour quelque chose de malveillant ou de nuisible. Or, dans une société rivale comme c’est le cas entre Hutu et Tutsi du Rwanda, le dialogue et l’ouverture sont des vertus dont on ne peut pas se passer si on veut réellement construire un pays qui aspire aux projets durables.


La monarchie rwandaise n’a pas su, à l’époque, harmoniser les relations entre toutes les catégories sociales. Elle a été déchue dans le bain de sang, remplacée par la république qui, à son tour, est tombée dans le même piège. Les trois pouvoirs qui se sont succédé après la monarchie ont, à des degrés différents, sombré à outrance dans les massacres, la revanche, la haine, l’exclusion, la diabolisation subjective, etc.


Il s’ensuit, dès lors, des mouvements des populations qui fuient les régimes en question pour trouver refuge ailleurs. Les Rwandais « n’ont jamais fui la paix » de leur pays comme certaines politiques rwandaises le prétendent, camouflant leur responsabilité, dans le but de convaincre les pays hôtes à rapatrier les réfugiés. Ces derniers sont vus par les politiques dirigeantes rwandaises comme une éventuelle menace, car échappant à toute surveillance. Le Rwandais de l’intérieur étant muselé, le réfugié reste le seul capable de prendre la parole et dénoncer les travers du régime en place.


En tout état de cause, il n’est pas normal que le citoyen soit totalement privé de tout espace d’expression, étant relégué à l’arrière plan, condamné à subir sans aucune possibilité de protestation ni de revendication. Il serait, à tous égards, inconcevable qu’une seule catégorie de gens, quelle que soit son appartenance ethnique, régionale ou sa puissance militaire, s’arroge le droit de décision au détriment du reste de la population rwandaise. À quel moment les Rwandais comprendront-t-ils que le partage du Rwanda est une nécessité juste et incontournable ?


C’est la seule solution pour rompre les spirales de la violence et sortir du piège de la mort que les rwandais se tendent perpétuellement.


Il n’est pas question de choix. Le Rwanda appartient à part entière aux hutu, aux tutsi et aux twa. Ces derniers sont malheureusement très peu médiatisés malgré les violences et l’injustice infligés par les pouvoirs successifs.


Vers une pédagogie nationale ?


Le Rwanda n’a pas deux milles solutions pour aboutir à une paix durable entre ses fils et filles. La seule voie possible est de sensibiliser tous les rwandais à la pratique de la tolérance. Aussi longtemps que le rwandais n’a pas encore compris que la diversité des opinions et la différence ethnique est une richesse et non un danger, le chemin sera encore trop long pour espérer un futur bien meilleur.


La tolérance est à la base de toute vie humaine. Tout ce qui est construit par une société intolérante ne dure pas longtemps, et c’est bien le cas au Rwanda. Après chaque période de sinistres et de drames, les gouvernements rwandais s’empressent à reconstituer les biens matériels, sans penser à la reconstruction des liens humains. C’est une utopie de vouloir développer un réseau infrastructurel pour lequel toutes les couches sociales ne se sentent pas concernées et impliquées. Dans ce cas de figure, le changement de pouvoir ne laissera aucune trace de son œuvre, détruite au lendemain de son départ.


La pratique de la tolérance n’est pas forcément une prédisposition innée de l’esprit. On apprend donc à tolérer. C’est un processus et une méthode. Selon Catherine ROUHIER, « (..) Vivre ensemble ne va pas de soi et il faut répéter que cela s’apprend. (…) la société se construit et se cimente par la tolérance, mais laquelle ? Etre tolérant c’est accepter d’autrui qu’il pense et agisse différemment, accepter de confronter des points de vue, des façons d'être et d'agir dans le respect de l'égalité et de la réciprocité, en toute confiance, dans un souci de compréhension, d'ouverture et de progrès, pour le meilleur des relations humaines.

Qui dit tolérance, dit aussi réciprocité. La tolérance n'est pas une "bienveillante indulgence", simple manifestation d'une supériorité faite de condescendance. Pour se montrer tolérant, il est nécessaire de pouvoir croire sincèrement à un autrui qui a la même valeur que soi (principe d’égalité), dans toute sa différence. La tolérance est le contraire de la méfiance, de la suspicion, c'est aussi le contraire de l'indifférence.

Etre tolérant c'est aussi un acte politique lorsqu'une société accepte de reconnaître la pluralité sous ses formes ethnique, religieuse, philosophique, politique, et sexuée. Cette reconnaissance est fondamentale, elle est de l’ordre du devoir éthique, le ciment de toute démocratie qui favorise l’expression de toutes ses composantes ».

Certains discours et comportements politiques rwandais (gouvernement et opposition) s’éloignent largement des pratiques de la tolérance, bien décrite par Rouhier. Les propos de la haine se retrouvent aussi dans d’autres catégories sociales. On a finalement l’impression, à ce jour, qu’à moindre occasion, la situation peut dégénérer et de nouveau plonger les rwandais dans un ubuesque cataclysme.


En attendant la mise en place éventuelle de vraies instances qui véhiculeraient cette culture de la tolérance, il s’avère indispensable qu’il y ait, d’ores et déjà, beaucoup de messages modérés et tolérants, pour aider une société en perpétuelles tentions politiques et ethniques. C’est la base d’une vraie justice sur laquelle sera bâtie une nation digne de ce nom.




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