FLASH DES CAUSES GÉNÉRIQUES DE LA PARANOÏA DE LA RÉPUBLIQUE
- rwandageopolitique
- 28 août 2014
- 6 min de lecture
Par Victor Manege Gakoko

I. L'absence d'un État de droit
En général, il n'y a jamais eu au Rwanda un véritable État de droit, ni sous la Monarchie ni sous la République : l’arbitraire reste toujours omniprésent et les classes ou les castes au pouvoir (avec leurs branches conservatrices) ont fait ou font tout pour monopoliser celui-ci, accroitre leur puissance et s'enrichir au détriment des masses populaires. Plus spécifiquement, la République n'a pu instaurer un véritable climat de confiance et de cohésion sociale, garanti par une législation précise respectée par l'État lui-même, indispensable pour la réussite de tout développement économique et social. Le constat est un échec au vu des tragédies connues et impulsées directement ou indirectement par les partis politiques sur un demi-siècle d'indépendance authentique mais de pseudo démocratie. En effet, l'obstacle politique et moral provient du fait que la toute-puissance d'un parti unique a prévalu sous une forme ou sous une autre.
D'autre part, le peuple n'a jamais détenu le pouvoir démocratique réellement et le système de planification n'a jamais été décentralisé en pratique. Tout le pouvoir et toutes les décisions (ont été) sont centralisés et restent sous la coupe des "apparatchiks - bureaucrates" du parti majoritaire au pouvoir érigé en parti-état dans les faits. Enfin la démocratie interne au sein de l'appareil du parti-état est hypothétique car là aussi une poignée d'idéologues contrôle d'une main de fer le pouvoir de décision.
Cette pratique à la "soviet" entraine à la longue un conflit inévitable entre les réformateurs progressistes et les conservateurs monopolistes. Cette première cause de la maladie de la République est donc de souche héréditaire monarchique, sans doute propre au Rwanda.
II. La dérive mafieuse des partis politiques détenteurs du pouvoir
Les appareils de ces partis (MDR, MRND et FPR pour ne pas les nommer!) se sont transformés au fil du temps sinon carrément tout au début en systèmes et structures organisés de corruption camouflée et de pillage systématique des biens publics. La première richesse étant la "terre", voici les cadres super-puissants de ces partis détenir les plus grandes propriétés foncières "ibikingi" du pays souvent appartenant antérieurement à l'état sinon confisquées aux moins nantis par des méthodes les plus astucieuses possibles.
Cette «pratique mafieuse» a de tout temps créé en parallèle les nouveaux « hommes d'affaires riches » para-mafieux profitant des lacunes du pouvoir. Ceux-ci savent renforcer la faiblesse des Institutions de la République pour se remplir les poches en entretenant un réseau de cultes bureaucratico-politico-économique fort sur une base de concurrence déloyale (même entre eux les "grands" se mangent mais surtout le plus courant les "grands" croquent aisément les "petits" sans forme de procès dirait La Fontaine).
Cette deuxième cause de la maladie de la République est de nature structurelle. Mais elle est commune, il faut le dire, à tous les régimes autocratiques connus en Afrique sous le nom de " Républiques monarchiques".
III. La crise (géo)politique systémique
On dénote sous Kayibanda, le conflit avec le Burundi sur fond ethnique, sous Habyarimana, conflit avec l'Ouganda sur fond ethnique et sous Kagame, un conflit avec le Congo et la Tanzanie encore sur fond ethnique. Mais toujours le point d'achoppement pris pour prétexte ou raison réelle demeure le problème des réfugiés rwandais que la République a jeté sur le chemin de l'exil, une République qui, selon la terminologie consacrée du nouveau régime, se vide constamment les entrailles (...!?). La première République n'a pas su ou pu stabiliser les fondements d'un régime républicain et changer les valeurs monarchiques en valeurs républicaines sures. La culture du mensonge et du clientélisme a régressé mais toujours dormante si bien qu'au moment où les conditions politiques et sociales favorables étaient de nouveau réunies, cette culture s'est réactivée avec une vitesse de propagation linéaire. Il faudrait bien-sûr comprendre que les dégâts étaient relativement limités compte tenu du niveau de développement économique et social, cela va de soi.
Au lieu de nous offrir le spectacle des taureaux qui s'affrontent dans l'arène pour la démonstration de force et de puissance, les disciples de Machiavel préfèrent nous offrir un film réel de l'horreur : la chasse aux Tutsi. La chute du régime n'a pas tardé, il l'avait cherché : pas de cohésion nationale, pas de progrès durable. La suite appartient à l'histoire.
Quant aux fondateurs de la deuxième République, ceux-ci se réclamant de souche "pure laine républicaine", ils introduisirent une nouvelle tare qui est la vieille culture monarchique de vengeance institutionnalisée. Toutes les stratégies, toujours à connotation machiavélique, étaient bonnes pour sélectionner leurs alliés dans toutes les ethnies et dans tous les coins du Rwanda : "la fameuse politique d'équilibre ethnique et régional". En arrière-fond, l’omniprésente culture du mensonge et du clientélisme s'accrût toujours de façon linéaire mais cette fois-ci avec un effet multiplicateur. Le temps aidant, les champions de la deuxième République oublièrent que ce sont eux qui ont enclenché l'opération contre les Tutsi pour pouvoir prendre le pouvoir par un coup d'état masqué.
Le niveau de développement économique et sociale aidant, l'entêtement s'installa, la naïveté et la rivalité battirent leur plein et BOUM le choc du siècle : le génocide. La suite appartient à l'histoire. Il est évident qu'on peut dire sans le moindre doute que sous la troisième République (début chaotique et transition horrifiante), la Nation rwandaise a cessé d'exister : une période qu'on peut qualifier quasiment de non-État. L'histoire retiendra les pires crimes commis sous prétexte de reconstruire la République. Vient enfin la 4ème République illustrée très pertinemment par ce titre illustratif hollywoodien de François Munyabagisha : "Pourquoi nos fossoyeurs sont-ils vos héros ?" Rien à redire, nous assistons présentement en direct à une série de mensonges d'État, de crimes d'État, d'injustices d'État, de corruption d'État, d'hégémonie d'État et, pour couronner le tout, de folie d'État, bref la paranoïa pure et simple.
La République torture et tue ses enfants, terrorise et tue ses voisins, insulte et tue ses amis. Dieu seul sait pourquoi et même le diable n'en revient pas. Bien-sûr c'est de la caricature, qui frise même la fiction, et pourtant? Pourtant, il faut le vivre pour le croire, il faut le voir pour le décrire, il faut l'entendre pour le conter et il faut regarder les images pour crier à l'horreur. Oui, la République est malade avec la pérennisation de la culture de la mort. Oui la République est malade avec ses réfugiés laissés pour compte. Oui la République est malade avec ses visées expansionnistes. Oui la République est malade parce que résistante à toute sorte de thérapie douce ou forte, traditionnelle ou moderne, naturelle ou para-naturelle. Par dessus le marché, les forces centrifuges du FPR - le parti au pouvoir, la force détentrice de la clé du mystère - le font sérieusement tanguer à tel point que le Titanic Rwandais commence à prendre de l'eau. S'en rend-t-il-compte? C'est quand même un fait surprenant et sans doute un hasard de calendrier.
Presque jour pour jour, à trois ans de la présidentielle, les partis politiques de la majorité présidentielle suivent la consigne de garder silence alors que l'opposition en vague situation est prise de court. Comme si sous nos yeux la prophétie de Magayane allait se réaliser, ou que tout avait été calculé, dans un cerveau machiavélique (dit-on) : le FPR est en train de craquer, soumis à de gigantesques forces tout à la fois politiques et géopolitiques, ponctuées par des mises en garde diplomatiques sévères et des accusations médiatiques systématiques. Et dans un mouvement d’ensemble qui semble parfaitement organisé, les cadres du FPR crient en symphonie à la théorie du complot impérialiste mise en branle par leurs fidèles alliés occidentaux. Mais pourquoi, se demandent les Rwandais tout confus, tout en étant dans l’expectative?
Enfin cette troisième cause de la maladie de la République s'avère apparemment conjoncturelle dans tous les cas mais réellement elle est la résultante de la première et de la deuxième causes en interaction à des époques différentes, avec des acteurs différents et avec des ingrédients accélérateurs ou retardataires que sont : le temps, l'usure, la rivalité et l'arrogance démesurée. La suite nous appartient à tous car le remède est notre capacité de le produire et notre volonté de l'absorber. Oui la solution appartient à tous les Rwandais et toutes les Rwandaises de bonne foi et aux mains propres, soucieux de l'avenir de leurs enfants dans une perspective de bâtir la grande Nation Rwandaise authentiquement républicaine et démocratique. Pour soigner la République, il faut d'abord sauver le Titanic Rwandais - le FPR, et c'est le prix à payer, je dirais même plus le "SEUL", sinon attendons que la prophétie s'accomplisse : que Babylone tombe pour toujours et qu'une nouvelle civilisation naisse de ses cendres.
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