CULTIVER LE RESPECT DE LA VIE ET DE LA DIGNITÉ HUMAINE*
ÉRADIQUER LA CULTURE DU MEURTRE « GUCA UMUCO WO KWICA »
Capsule du Groupe CIRI-VEPELEX sur la transformation sociale rwandaise post-tragédie
Le Rwandais contemporain flirte avec le meurtre parfait, en d'autres mots l'intronisation et la pérennisation de l'impunité. Cest paradoxalement une des faces de la farce civilisatrice, et des tragédies rwandaises. La culture du meurtre n'est cependant pas venue d'une civilisation étrangère. La farce tient de ce fait même. « Civilisés », mais hélas demeurés traditionnellement les mêmes : sauvages. Mais déjà dans l'ancien Rwanda, et ce n'est pas loin de nous, tuer fait partie des modes de vie à la Cour royale. Les dignitaires s'en font un instrument du pouvoir et au-delà une activité récréative. Ne sont pas candidats à la mort les seuls criminels. Tuer fut donc depuis des temps indéfinis, institutionnalisé et incorporé dans la culture mythique du pouvoir. Savoir tuer ou avoir tué, valut l'honneur. On se devait de tuer tout ennemi, ou tout ce qui lui ressemble à tort ou à raison. On tuait aussi pour venger, « Guhoora ».
Lors des veillées à la Cour royale, dans différentes festivités, les hommes prenaient à tour de rôle la parole, étalant leurs meurtres pour vanter leur bravoure. On appelle cela « Kwivuga ibigwi » (récit des hauts faits). Ces hommes poursuivaient leurs macabres causeries en se lançant des défis « Guhiga », concernant leurs prochains meurtres. Comptaient pour le challenge le nombre de meurtres, la sélection des cibles, et la cruauté de l'acte. Ainsi, dans le « Guhiga », il était essentiel d'étaler en détails la façon de réduire la victime en tas de chairs, ou l'inimaginable profanation consistant mutiler ou à extraire du corps de la victime les parties génitales et ses accessoires, les organes vitaux comme le coeur, le cerveau ou les yeux. Malheureusement, les traditions de « Kwivuga » et « Guhiga » ne font pas partie des cauchemars du passée. Aujourdhui même, il n'est pas rare d'entendre les Rwandais couvrir d'applaudissements nourris le discours d'un meurtrier déguisé en héros.
Au Rwanda, on tue aujourd'hui des humains de bien de façons au mépris des droits de la personne les plus élémentaires. Non seulement en méprisant, en diffamant, en affamant, en pourchassant, en emprisonnant, en assassinant, en isolant, en profanant les restes humains, mais aussi en niant la vérité ou en feignant de ne pas la connaître. Éradiquer la culture du meurtre « Guca Umuco wo Kwica » et la banalisation de la mort, c'est plus qu'abolir, bannir, proscrire, interdire de tuer. Il n'y a pas de mot simple pour traduire ce défi.
La culture du meurtre « Kwica - Tuer » qui est entrée dans les murs au Rwanda doit être éradiquée car nul n'a le droit de porter atteinte à la vie humaine. Plutôt cultiver le respect de la vie et de la dignité humaine, éduquer les réflexes naturels du laisser-vivre et du vivre-ensemble. Cette composante de la nouvelle mission civilisatrice fait partie des préoccupations du changement, du paradigme culturel rwandais et de la transformation sociale que s'est assignée le tandem CIRI-VEPELEX.