Le shooting de l’Avion présidentiel Habyalimana et le nouvel art de "teckniquer"
Dans le lexique de la gouvernance du régime FPR/Kagame, le verbe teckniquer a déjà démontré sa versatilité et confirmé sa position dans le jargon courant des milieux politique, journalistique, populaire, et dans une certaine mesure scolaire et académique.
Le sens profond de ce terme qui, au Rwanda, est devenu aussi populaire et officiel que la réalité qu’il traduit, peut se résumer en un seul mot comme Mensonge d’Etat ou l’Art d’’inventer des faits passés dans le but d’influencer leur interprétation actuelle, un art qui fait voir et croire en une réalité des faits souvent diamétralement opposée à celle qui correspond aux évènements réels qui eurent lieu dans le passé. Le tecknikage est souvent le résultat d’un processus bien étudié et pré-arrangé par les tekniciens-artistes spécialisés dans la matière. Ces derniers, pour réussir dans leur mission, ils doivent, selon la perception de certains rwandais, être très bien connectés à tous les réseaux de prise de décision au niveau national et international, au sein de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union Européenne, au sein de la Francophonie et du Commonwealth, etc.
Parlant du crime de l’assassinat des présidents rwandais et burundais Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira, d’aucuns affirment que si la vérité sur l’identité probable de celui qui a abattu l’avion qui les transportaient le 06 avril 1994 reste inaccessible, cela ne serait que la pure réussite de l’art de maculer tout ce qui est vérité sur l’attentat par les tekniciens soit de Kagamé soit de Bagosora.
Les six cents combattants de l’RPA au sein du CND ou la version rwandaise du cheval de Troie
« Nihil novi sub sole » : « Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. » (Eccl. 1, 9). Ainsi fut reproduit la légende du cheval de Troie en décembre 1993, quand la naïveté troyenne pénétrant le cœur des stratèges militaires et négociateurs du gouvernement rwandais jusqu’à accepter le cadeau fatal. De son côté, le FPR, n’étant pas totalement sûr de l’ampleur du risque entrepris, se contenta de cette victoire anticipée car déloger le parlement national ou la voie de tout un peuple par juste six centaines de combattant était une victoire en soie. C’est que l’animal était déjà abattu psychologiquement et physiquement, et ne restait que l’achever et lui dépouiller la peau.
Là où le gouvernement rwandais et ses parrains (la France) voyaient dans l’évènement un geste de coopération et de recherche de paix de la part des rebelles du FPR, ce dernier, lui, y voyait surement un pas géant vers la victoire militaire. L’étape la plus difficile de la conquête par les armes venait de s’accomplir sur la table des négociations : la pénétration de la capitale était bel et bien acquise.
Dès son installation, le cheval ne cessa de se gonfler en hommes et en armes et munitions. Les infiltrations et missions de reconnaissance se multiplièrent si bien que dans quelques mois, Kigali n’était plus une ville protégée aux yeux des rebelles.
Qui a abattu l’avion présidentiel Habyarimana /Ntaryamira
Vingt et un ans viennent de s’écouler et la chute de l’avion fait l’objet de débats hautement controversés. Les camps Kagamé et Bagosora se jettent la balle de la responsabilité et le match se poursuit tel une finale de tennis de table sans fin.
Les arguments avancés par chacun des belligérants d’hier se contredisent et tiennent tous bons, et leurs d’être crus apparaissent et disparaissent constamment selon l’évolution de la géopolitique régionale dans la région des grands lacs et les intérêts des pays occidentaux dans la région.
Ainsi juges et enquêteurs français d’hier se voient démentis sans être discrédités par les enquêtes d’aujourd’hui toujours provisoires, soit disant sur base de nouvelles révélations quant à la position du départ des tirs de missiles, sans pour autant se prononcer de façon de façon non équivoque sur l’identité probable du responsable: Bagosora ou Kagamé ? L’énigme persiste.
Si presque toutes les voix entendues sont concordantes quant à l’endroit d’écrasement de l’avion, le moment du lancement des missiles, les évènements qui ont suivis la chute de l’avion et la mort des deux présidents, …, il n y a jamais eu de compromis à propos du coupable de l’acte terroriste. Rappelons que beaucoup d’analystes jugent que cet acte terroriste peut être considéré comme le vrai déclenchement des évènements horribles qui ont endeuillé les deux pays: génocide au Rwanda selon l’ONU, les rwandais et le gouvernement rwandais et génocide au Burundi selon les burundais.
Les négociations d’Arusha furent ainsi teckniqués par les experts en la matière, les teckniciens du FPR, et la messe était tout simplement dite. Le sort des Tutsi de l’intérieur du pays était déjà conclu, en effet leur sang devenait indiscutablement indispensable à la victoire et la conquête militaire. Soit le renoncement à victoire militaire soit le sang des Tutsi de l’intérieur du pays. Le second choix l’emporta sur le premier et l’histoire s’orienta dans cette direction.
« - Mon cher, que ce jour de joie marque l’histoire de notre pays et l’avenir de notre peuple jusqu’à la fin des temps. Pour moi c’est un signe que la paix définitive est acquise ! Bientôt je vais retourner à l’Université Nationale et toi tu rentres au Séminaire et jusqu’à l’ordination cette fois-ci n’est-ce pas?
- Quel naïveté des chimistes! Tu parles du positionnement de nos camarades au CND ? Lukaga?
- Yes
- Ne voyez-vous pas qu’il n’y a rien de paix là-dedans ? ne voyez-vous pas qu’il s’agit du fameux Cheval de Troie à la rwandaise? Moi je me sens très inquiet pour nos familles. Elles seront toutes massacrées. Et ces gens n’y pensent même pas, ils ne s’en soucient pas. Nous avons été naïfs et avons sacrifié nos parents sans le savoir. Préparez-vous à la guerre dans la capitale. C’est comme ça que moi je vois les choses, et je me trompe rarement dans l’analyse de certaines situations. J’ai des émotions très fortes et je souffre énormément. Au moment où nous parlons, moi, je pense que la guerre a déjà été décidée d’en haut et Afand PC ? par qui ou par quoi va-t-il en être dissuadé? La compassion ? pitié pour nos frères et sœurs? Méfiez-vous. Buvons la coupe car nous l’avons tirée ! et si par miracle nous parvenons à survivre cette guerre finale, survivrons-nous la mesquinerie et le manque de cœur de nos frères que je vois ici ? Moi je suis prêt à tout, au pire et à ne voir aucun membre de famille à la descente. Il ne reste que le déclenchement, et ce sera probablement l’une de deux choses: si ce n’est la provocation des troupes gouvernementales jusqu’à les induire dans l’erreur d’attaquer le symbole de la paix (le bataillon des six cents) aux yeux de la Communauté Internationale, ce sera tout simplement l’assassinat du Président Kinani ou de son épouse. Je ne vois pas d’autre possibilité. Et dans le premier cas, il y aurait de très négligeables chances que nos familles ne soient pas massivement ciblées, mais dans le second, … !
- Ah! Tu me fais peur avec tes analyses ! Veux-tu que je te croie vraiment ? ….
- Saluto! Je vois que vous vous voyez déjà à l’Ibis entrain de siroter une mützig et une guiness-coca toutes transpirant de fraîcheur ! Hein ! mes amis, moi je désespère déjà. Une fois là-bas, quand nos familles auront été décimées, attendons-nous à être malmenés comme des malfaiteurs ! Imaginez-vous que ces gaillards ci vont épargner quiconque aura un domaine familial important ou une maison de luxe dans la Capitale? Ils vont nous finir comme des mouches je vous assure! pauvres nous ! Nous sommes fichus. Cette paix signée à Arusha n’est qu’un rêve pour les naïfs qui ne voient pas que l’installation notre lukaga là au CND n’est qu’une étape franchi vers la prise du pouvoir par la force. Que pensez-vous chers camarades? Nous n’y pouvons rien! c’est fini !
- Mai qu’est-ce que tu racontes là! toi aussi mon ingénieur, tu le vois ainsi ? … » (Bribes d’une conversation avec deux camarades près de Mulindi).
Juste et quelque temps avant le shooting de l’avion
Des deux camps seul l’un compte parmi ses combattants des tireurs bien entraînés aux SAM (missiles sol-air) et en bon nombre, l’autre n’en ayant aucun capable de tirer un seul missile, comme l’attestent plusieurs milieux de discussion dont des sources supposées sûres.
Des deux camps, semble-t-il, l’un a entrepris des entrainements intensifs au sein de ses troupes dans l’art de se battre dans des zones habitées et urbaines, formant de façon soutenue des troupes d’élites et d’avant-gardes jour et nuit. Les troupes sont encouragées à se sentir mentalement et psychologiquement préparés au grand combat de la capitale et des milieux urbains en général.
Ceci n’est-elle pas une étonnante façon d’honorer les Accords de paix d’Arusha et de se préparer à la cessation définitive des combats, au brassage des deux armées et à la démobilisation en masse des troupes ainsi que l’amorçage du processus de réintégration sociale des membres démobilisés des deux côtés?
L’autre camp redoute surement une reprise éventuelle des affrontements mais y voit un risque stratégique qu’il ne peut se permettre de prendre, et n’écarte pas l’éventualité de perdre le pari au cas où les accords de paix d’Arusha viendraient à avorter. La partie gouvernementale ignorait également qu’au cas où les combats reprendraient, le Conseil de Sécurité de l’ONU pourrait décider d’imposer un embargo sur les armes et munitions! La raison en était très simple et multiple: (1) d’éventuelles atrocités collatérales sur les populations civiles Tutsi et Hutu selon le camp. Le mécanisme de surveillance de la palissade poreuse, disons la frontière, séparant Ouganda et le Rwanda, établi par l’ONU, n’était qu’une illusion ne pouvant empêcher une communication efficace entre l’Ouganda et la zone occupée par le FPR ; (2) les tensions internes grandissantes et la radicalisation de la position anti-MRND de certains partis d’opposition; (3) la tendance de certains partis d’opposition à soutenir le camp adverse.
Limitons notre survol des faits sur ces quelques points soulevés en haut, et entreprenons de nous poser quelques questions utiles:
(1) que pensent nos enquêteurs et juges de ces faits et évènements passés ?
(2) et si l’art de teckniker était la raison principale de la confusion de tous dans l’effort d’identifier le vrai coupable du crime?
(3) et qui serait derrière ce teckinikage et pour quel but et intérêt ? Kagamé et compagnie? Bagosora et compagnie?
Dans tous les cas, le débat reste ouvert et la contribution de chacun et de tous est à saluer, même si le mensonge ne semble pas totalement absent dans ce drame.
Selon Prosper Mérimée: « Tout gros mensonge a besoin d’un détail bien circonstancié moyennant quoi il passe. » (Prosper Mérimée)
Amahoro.