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Fin de la Mythocratie : Kagame et l'Occident s'empêtrent dans le dilemme


L'exercice référendaire qui vient de se terminer au Rwanda est une manifestation de plus de l'inconfort institutionnel au sommet de l'Etat. Le général Paul Kagame dans l'intérêt de qui la Constitution a été tripatouillée affiche toujours des réticences à se prononcer si oui ou non il va briguer un autre mandat. "Je prendrai ma décision après le Référendum", avait-il lancé en s'adressant au congrès de son parti Front patriotique rwandais (FPR). La Constitution taillée sur mesure accorde au général Kagame un mandat de 7 ans pour l'élection de 2017, à la fin duquel le nombre de mandats sera réduit à deux de cinq ans chacun. Mais encore le général qui dirige le Rwanda d'une main de fer depuis 1994 sera éligible à ces deux mandats qui iront jusqu'en 2034. Ainsi le règne de Paul Kagame est, en théorie, supposé durer 40 ans et le mythocrate projette sa retraite à l'âge honorable de 77 ans. Mais pourquoi, malgré l'écrasant "YEGO" (oui) référendaire en sa faveur, le général Kagame ne peut pas avoir l'outrecuidance d'annoncer aujourd'hui sa candidature pour 2017 ?


L'article 101 tombe et le roi est... nu!


L'usure du temps est en train d'avoir raison du mythe Kagame. Les motifs invoqués pour changer la Constitution rwandaise, ciblant principalement l'article 101 qui bloquait l'actuel président, comprennent en premier lieu le caractère singulier du général dans la performance. Il doit rester car, selon ses adulateurs, c'est grâce à son excellent leadership que le Rwanda a connu des progrès économiques éclatants. En deuxième lieu le héros de la Guerre d'Octobre (1990-1994) qui a culminé en génocides continue de jouir d'une bonne cote d'estime en tant que "seul garant de sécurité et de stabilité".

Continuité étant le mot d'ordre des "3èmandistes" rwandais, on fait allusion parfois ouvertement au maintient de Paul Kagame sans qui tout, y compris la sécurité et ces progrès uniquement incarnés par la minuscule capitale Kigali, risque de s'effondrer. Un argument qui ne tient pas du tout la route devant le puissant article 101 qui stipule clairement "qu'en aucun cas, le président de la République ne peut faire plus de deux mandats." En aucun cas. La main sur la Bible, et invoquant l'assistance de Dieu dans l'accomplissement de ses tâches, le général Kagame a prêté serment et n'a cessé ultérieurement de rejeter l'idée de s'accrocher au pouvoir. "Regardez-moi bien, disait-il en conférence de presse, je ne suis pas quelqu'un qui a besoin d'un troisième mandat."

Quel que soit le nombre de ses supporters, se porter candidat en 2017 est le synonyme de parjure pour le général Kagame. Et un président qui bafoue la Constitution pour ses seuls intérêts perd de crédibilité comme l'a indiqué l'Union Européenne dans un communiqué. Les Etats-Unis d'Amérique ont également condamné les manoeuvres de Paul Kagame qui, par le changement de la Constitution, vise s'éterniser au pouvoir. Le risque est donc très élevé pour l'autocrate rwandais qui, ne souhaitant pas que le "sérum" soit coupé tout de suite après le tripatouillage constitutionnel, annoncera la décision de se représenter à quelques mois de l'échéance électorale.


L'inéluctable chute du mythe Kagame

Ayant surfé si longtemps sur les mythes créés et propagés par les Occidentaux qui le tiennent à leur solde au prix d'énormes sacrifices, le général Kagame (photo ci-contre) n'a pas su préparer une sortie tranquille pour lui-même ou pour son parti le FPR. À la faveur du contrat qu'il a signé avec les puissances anglo-saxonnes dans leurs visées de conquérir le Zaïre (présentement République démocratique du Congo), le général Kagame a acquis richesses et armement qui le rendent invincible devant toute sorte de menace. Les grands de ce monde n'hésitent pas de qualifier le guerrier rwandais comme l'un des leurs. "C'est un gars de notre genre" (Our kind of guy), avait dit Bill Clinton, alors président américain. L'ancien Premier ministre britannique Tony Blair est conseiller personnel de Kagame, ainsi que des dizaines d'autres personnalités éminentes occidentales qui siègent dans son "PAC", Conseil consultatif présidentiel. Tous ces suppôts occidentaux ont longtemps fermé les yeux sur les crimes de Paul Kagame et sur son totalitarisme et voilà que d'un coup, les masques commencent à tomber. Un à un.

Le général Kagame se voit lâcher et, devant son entêtement à l'égard des mises en gardes qu'il a reçues de la part des Etats-Unis et de l'Union Européenne, bientôt il deviendra infréquentable tel le Zimbabwéen Robert Mugabe. Soit Kagame va se rendre à l'évidence et ouvrir l'espace politique, soit il va se durcir et faire les dégâts, dans tous les cas il faut que nos intellectuels élaborent des scénarios susceptibles d'amortir la chute ou les chocs.


Le dilemme de héros


A cause d'indiscipline le héros Kagame du type hollywoodien est en train de perdre son aura. Washington s'attendait à ce que le darling de Kigali serve de modèle de démocratie aux autres dirigeants qui ont tendance à s'accrocher au pouvoir dans la Région des Grands Lacs africains.

En principes cet exemple consiste au "départ à la retraite" et à la passation pacifique de pouvoir par la voie des urnes. Le changement de la Constitution rwandaise et le Référendum qui s'en suit devront être perçus comme des symboles éloquents de divorce consommé entre Paul Kagame et l'Occident. Celui-là à qui les universités occidentales se bousculaient pour décerner les doctorats honoris causa, pour stratégiquement renforcer l'image d'un dirigeant brillant, le général Kagame préfère les voies les plus irrationnelles pour asseoir son pouvoir : assassinats, disparitions, emprisonnement et bannissement des challengers politiques.

Celui qui lors des forums internationaux prestigieux était interminablement ovationné pour la légendaire vaillance d'arrêter le génocide des Tutsi, faire du Rwanda le Singapour africain et mettre en place un parlement le plus féminin du monde, le général Kagame s'avère plutôt être un hypnotiseur certifié : rien n'est réel, tout relève de la fabrication. Il convient de faire remarquer que le débat sur le génocide et le propre rôle de Paul Kagame et son parti FPR dans cette tragédie est loin d'être terminé. En plus la pauvreté reste scandaleusement endémique au Rwanda tandis que les femmes parlementaires sont juste des pions sur l'échiquier politique.

Le divorce fera terriblement mal. Celui à qui pendant 25 ans l'Occident aura accordé le bénéfice du doute vis-à-vis des crimes de guerre, crimes contre l'humanité voire de génocide, le général Kagame risque de faire face à un discrédit le plus troublant quand les tiroirs contenant les dossiers de l'attentat aérien du 4 avril 1994, le Mapping Repport pour la RDC, l'assassinat des touristes dans le parc Bwindi etc. seront ouverts. L'occultation de plusieurs dossiers concernant le général Kagame visait sans doute à faire de lui un héros de la paix, champion du pardon et de la réconciliation au Rwanda. Les attentes étaient probablement trop élevées et l'Occident doit s'en mordre les doigts amèrement.


Le choc 2017


Que le général Kagame reste ou parte, les deux options sont délicates pour le Rwanda. En se maintenant au pouvoir par les manoeuvres déjà dénoncées par l'opposition, les intellectuels et l'Occident, le général Kagame va se heurter à la critique de plus en plus farouche, y compris au sein même du FPR. Prompt à recourir à la brutalité meurtrière, le président rwandais risque de provoquer une agitation difficile à contenir. Les aides occidentales pourraient être coupées ce qui également aurait pour effet l'aggravation des conditions de vie dans le pays. Il est aussi possible que le général Kagame amorce des changement positifs dans le sens de la démocratisation pour redorer son image, mais il est à parier que ses bonnes intentions seront prises avec des pincettes.


L'option de prendre la retraite est vivement souhaitée par la majorité, elle ne constitue pas cependant une panacée vu la méfiance du général Kagame qui n'a pas de dauphin connu dans son entourage. Le départ de Kagame occasionnerait inévitablement des querelles de succession. Il ne faut pas non plus minimiser l'animosité affichée par les détracteurs aux yeux de qui le général Kagame doit répondre de ses crimes devant les tribunaux. Le tout-puissant Kagame acceptera-t-il de tendre les bras pour menottes? C'est la moins probable des probabilités. De leur côté les Occidentaux qui l'ont parrainé pendant toutes ces années sont aussi gênés et inquiets d'éventuelles révélations au cas où leur "poupée" décide de tout déballer. L'autocrate rwandais ne manque pas de lancer de temps à autre ce genre de chantage. La balle est donc dans le camp des intellectuels intègres qui doivent se démarquer de la mêlée et échafauder tous les scénarios plausibles afin de sauver la République dans l'intérêt de tous.


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