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Ce difficile débat intellectuel au Rwanda


Lancez un sujet de débat au sein de la communauté rwandaise, n'importe quel sujet, vous serez chanceux si, au bout de cinq interventions, le sujet n'a pas encore engendré cinq autres sujets ou débats, littéralement s'écartant du débat initial. Vous serez extrêmement veinard si la première intervention de ne vous traite pas de tous les noms. Qui de vous dire que vous êtes prétentieux ou pédant, qui de vous dénigrer voire vous prêter des intentions malsaines. Je m'épargne de mentionner des attaques virulentes et des insultes dignes de gens vulgaires.


Question qui tue : D'abord, qui est intellectuel ?


"Selon toi à qui revient le qualificatif d'intellectuel? me lance Monsier Jean-Marie-Vianney Gatabazi. Nous avons tous des diplômes d'université, jusqu'au PhD." Pour le député au Parlement rwandais "intellectuel" est synonyme de "diplômé" ou de "qualifié". Et si cela était l'avis de la plupart de Rwandais?


Avoir un diplôme ou une qualification dans un domaine, ça ouvre la porte de toutes les opportunités et toutes les aventures. Du travail, un bon salaire, et la possibilité de se hisser au rang supérieur au sein de la société. Le sentiment d'être une personne éduquée et évoluée inspire la grandeur et stimule l'individu à prendre le leadership. Et c'est à ce tournant que les défis vous attendent, c'est là que vos prouesses intellectuelles sont mises à rude épreuve.


Beaucoup d'yeux sont rivés sur vous, parfois vous devez faire face à une féroce compétition, à la jalousie ou à la haine. La façon dont vous allez vous en sortir, comment seul ou en groupe vous affrontez les problèmes et surtout la manière de convaincre les concurrents, c'est un bon nombre de situations ou enjeux qui vous façonneront en tant qu'intellectuel.


La définition d'un intellectuel peut évidemment varier selon les angles d'approches, mais une caractéristique sera commune : Un libre penseur, non soumis à une quelconque conditionnalité ou solidarité d'ordre idéologique. Le philosophe Jean-Paul Sartre définit l'intellectuel en ces mots : "l'intellectuel est celui qui refuse d'être le moyen d'un but qui n'est pas le sien."


Engagement et résignation chez l'intellectuel


Une autre définition décrit l'intellectuel comme un personnage de conscience, "soucieux de défendre des causes justes, fût-ce à ses risques et périls", en référence à l'engagement du journaliste et écrivain Emile Zola dans la légendaire Affaire Dreyfus. Dans les pays "en voie de démocratie", cette définition est sapée par la confusion venant du fait que la plupart du temps les intellectuels s'engagent dans la politique partisane voire criminelle.


Au Rwanda particulièrement, l'élite intellectuelle est critiquée pour avoir lamentablement laissé tomber le peuple, d'où la résignation de certains qui apparemment cherchent à se dissocier de cette image honteuse. Ces derniers, déçus par la maladresse choquante des compatriotes intellectuels, se réfugient sous l'écorce de la modestie.


C'est un constat malheureux. Beaucoup d'intellectuels rwandais [hommes et femmes confondus] n'aiment pas qu'on les qualifie d'intellectuels. Ils s'en offusquent et se distancent carrément des initiatives étiquetées d'intellectuelles. C'est un phénomène aberrant. "Quoi qu'on fasse, on choisit, la passivité, la résignation, l'indifférence sont aussi des choix" (Sartre).


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