Rwanda : Haute trahison
Les chantages d'un président désespéré
Le président Paul Kagame a demandé au peuple si ce dernier peut prendre le risque de le remplacer par quelqu'un d'autre. Il s'agit de ses propres propos, je n'invente rien. Mon seul questionnement est de savoir s'il existe réellement un risque dans un quelconque processus démocratique où un président en fin de service doit être remplacé par un autre. Le Rwanda n'a cessé de faire la une dans le domaine des succès économiques, la sécurité et la bonne gouvernance. Cependant, quand vient la fin des mandats constitutionnels du président, les risques surgissent de partout...
On peut se demander à quel risque notre président fait allusion, précisément. Eh, bien, ce n'est qu'un secret de Polichinelle : Le général Kagame menace de réduire toute la région en cendres advenant qu'il soit écarté du pouvoir. On se rappelle qu'à l'époque où les rebelles hutu faisaient des incursions dans le Nord et le Centre du Rwanda (1997-1999), le président a également menacé de laisser le Rwanda dans son état de 1994. Voilà les vrais risques, oubliez ces enfantins prétextes avec lesquels les crétins du régime nous rabattent les oreilles, comme quoi le progrès s'arrêterait si Kagame était envoyé à sa retraite.
Le chantage de Kagame a bien fonctionné en 2000 quand il faisait coup d'Etat contre Pasteur Bizimungu. Aucune indignation de la part de la communauté internationale qui évidemment connaissait Monsieur Bizimungu en tant qu'un président fantoche. Mais dans l'entourage intellectuel de Paul Kagame, son ascension à la magistrature suprême n'augurait rien de paisible. Plusieurs cadres et officiers du FPR se sont vus reléguer au rôle d'outsider ou écartés sans ménagement aussitôt que leur logique tendait à faire de l'ombre à l'image et aux intérêts de l'Afande suprême. En 2003, un diplomate européen qui a été témoin de la fraude électorale du FPR dans la présidentielle opposant Kagame au vétéran Faustin Twagiramungu a soutenu que les Occidentaux avaient peur que l'ancien rebelle retournât dans le maquis en cas de défaite. Le diplomate a avoué que l'Occident préfère sacrifier la démocratie pour préserver la stabilité régionale.
L'expérience s'est répétée en 2010. Lors de la dernière présidentielle Paul Kagame n'a pas pris le risque d'autoriser la candidate des FDU-Inkingi, Mme Victoire Ingabire Umuhoza, à faire campagne. Il l'a coffrée car la récidive du scénario de 2003 aurait pu désagréablement surprendre le FPR si on considère que depuis 2003 plusieurs dissidents s'étaient déjà joints à l'opposition pour dénoncer les manœuvres électorales.
La balle est dans le camp des juristes
Contrairement au peuple rwandais, c'est le président Kagame lui-même qui, désespérément, semble prendre de plus en plus le risque quant à quitter le pouvoir pacifiquement ou s'y accrocher à tout prix. Il est en train de préparer l'opinion internationale à l'acceptation de la manoeuvre déjà en cours, officiellement endossée par le peuple. L'échéance de 2017 s'en vient donc avec une astuce tout à fait géniale : "le peuple m'a demandé [plutôt m'a forcé] de rester au pouvoir". Ça fait rigoler. La constitution a été changée en catastrophe et le sacré article 101 stipulant qu''en aucun cas, le président de la République ne peut faire plus de deux mandats" est en voie d'être violé. Mais le président qui sûrement comprend les conséquences d'une telle " haute trahison" a aussi minutieusement pensé à un bouclier constitutionnel : Exonération de poursuites pénales au bénéfice d’un ancien Président de la République!
L'article 114 de la constitution tripatouillée stipule qu'"un ancien Président de la République ne peut faire l'objet de poursuites pénales pour des actes de trahison ou pour violation grave et délibérée de la Constitution, s'il ne l'a pas été au cours de son mandat." Les juristes n'ont qu'à appliquer la Loi, à temps.
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